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très circonscrites, ayant jusqu’à dix ou douze mètres de profondeur, plus ou moins irrégulières et creusées dans un terrain de l’époque glaciaire, dont les cailloux et les blocs rocheux sont d’origine suédoise. A la suite d’observations faites par lui-même en Islande, M. Steenstrup a donné de la formation de ces cavités une explication très plausible. Il pense que de grandes masses de glace, accidentellement empâtées dans le limon de cette époque, ont fondu sur place, laissant pour ainsi dire le moule qu’elles occupaient. Les pluies, les agens atmosphériques, ont achevé de façonner le creux où s’est ensuite formé le marais. Celui-ci repose sur un fond d’argile ne présentant aucune trace de débris organiques et résultant évidemment des premiers lavages des parois. Au-dessus sont superposées des couches tourbeuses de composition bien distincte : d’abord un lit de tourbe où le microscope montre des fragmens indéterminables des végétaux les plus inférieurs, puis une seconde couche où l’on distingue déjà des mousses à organisation plus élevée et des pins sylvestres robustes, mais grêles et rabougris comme ayant végété sur un sol peu fait pour eux; enfin apparaissent des bruyères mêlées aux bouleaux, aux aunes, aux noisetiers.

Telle est la composition du marais tourbeux proprement dit, ou région centrale du scovmose. Les parois de la cavité doivent être considérées à part. Elles constituent ce qu’on a nommé à juste titre la région forestière. Ces parois ont été en effet le siège d’une riche végétation arborescente qui date de l’apparition des mousses. Trouvant dans le sol glaciaire un terrain des plus convenables, elle s’est largement développée, et elle aussi présente une succession d’essences bien digne d’attention. D’abord se montre le pin sylvestre seul, dont les troncs rapprochés et de la plus belle venue devaient former de magnifiques forêts. Plus tard apparaissent les chênes, qui bientôt règnent à leur tour sans partage. Ces arbres, bien rarement attaqués par l’homme, grandissaient et périssaient sur place[1]. Lorsqu’ils tombaient, c’était naturellement du côté du marais, et leurs vieux troncs, immergés dans ces eaux conservatrices, se retrouvent encore dans la tourbe, souvent enchevêtrés et entre-croisés comme si d’habiles bûcherons avaient dirigé leur chute vers le centre du scovmose. En se superposant naturellement, ils ont divisé la masse tourbeuse en couches étagées et apporté des élémens d’évaluation relative dans la chronologie de ces âges reculés.

Le hêtre, aujourd’hui l’arbre national du Danemark, et dont le parc royal de Copenhague possède de si beaux spécimens, manque

  1. L’homme a parfois, mais rarement, abattu quelques-uns de ces arbres en les attaquant à l’aide du feu, comme j’ai pu le constater moi-même.