Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/960

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette indication suffit pour faire comprendre combien sont nombreux et complexes les problèmes que doit aborder ce nouvel ordre d’études. Tout en offrant de grandes analogies, les objets recueillis sur divers points de l’Europe ne sont pas tellement semblables que les questions de contemporanéité ou de succession dans le temps ne soient souvent difficiles à résoudre. Souvent aussi les données purement archéologiques sont insuffisantes, et il faut recourir aux sciences naturelles, à la géologie, à l’histoire des animaux et des végétaux vivans ou fossiles, pour poser des jalons et distinguer des époques. Des comparaisons minutieuses, le concours d’hommes spéciaux et livrés aux études les plus diverses, deviennent donc nécessaires pour donner des bases solides aux inductions tirées des faits. C’est ce que comprirent de bonne heure les fondateurs mêmes de la nouvelle science, comme le prouve la liste des noms cités plus haut; c’est ce que sentirent aussi quelques hommes réunis par les liens de l’amitié et de la science, lorsqu’ils instituèrent le congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistorique.

Les débuts en furent modestes. La société italienne des sciences naturelles siégeait en session extraordinaire à la Spezzia en 1865. Quelques-uns de ses membres se constituèrent en section spéciale pour mettre en commun les résultats de leurs études sur les temps préhistoriques, puis la pensée leur vint de transformer cette association fortuite en un congrès international qui se réunirait chaque année dans un pays différent. Dès l’année suivante, à Neuchâtel, M. Desor voyait se grouper autour de lui un plus grand nombre d’adhérens attirés surtout par le désir d’étudier les collections draguées au fond des lacs sur l’emplacement des cités lacustres de la Suisse. En 1867, Paris fut choisi pour lieu de réunion. On savait que l’exposition universelle amènerait à côté des collections de notre capitale de nombreux termes de comparaison. Les archéologues, les anthropologistes, comprirent tout ce que la science devait gagner à cette concentration de matériaux habituellement épars. Ils s’inscrivirent en foule sur la liste des adhérens au congrès[1]. Les séances, présidées par M. Lartet, dont le nom se rattache d’une manière si intime à la découverte de l’homme fossile, eurent lieu dans le grand amphithéâtre de l’Ecole de médecine. Elles furent constamment si bien remplies, que le compte-rendu a fourni la matière d’un fort

  1. Le congrès de Paris a réuni 363 souscripteurs, dont 221 français et 142 étrangers. Grâce aux circonstances exceptionnelles au milieu desquelles il s’est ouvert, on y a compté des membres appartenant à presque tous les états civilisés de l’ancien et du Nouveau-Monde.