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démies, mais les universités qui transmettent la science aux générations à venir. » Ajoutez à ces considérations que la science se transforme et progresse chaque jour. Il est donc nécessaire que la composition du jury puisse se modifier aussi, afin de donner place aux idées nouvelles, chose impossible avec un jury permanent. Ce qui n’a peut-être pas de trop graves inconvéniens quand il s’agit des sciences exactes en offrirait de très fâcheux pour le droit et la médecine. Dans l’enseignement supérieur comme dans l’état, il faut que les institutions et les hommes puissent se renouveler suivant le progrès des idées et le changement des situations.

Je résumerai maintenant les conclusions que l’on peut tirer des faits observés en Belgique. La liberté complète de l’enseignement n’a produit aucun des maux que l’on redoutait; nul ne regrette la suppression absolue de toute mesure préventive. Les seuls établissemens qui ont pu s’établir et subsister sont ceux qui répondaient aux besoins et aux idées des deux grands partis politiques qui se divisaient le pays; mais d’autre part la liberté n’a pas produit les heureux résultats qu’on en espérait, parce que des examens multipliés devant des jurys combinés ont imposé l’uniformité des méthodes et des études, affaibli la spontanéité scientifique chez les professeurs, imposé de purs exercices de mémoire aux étudians, et en somme fait triompher le lieu-commun et la routine. Si l’on accorde aux institutions privées un droit de représentation égal à celui des facultés officielles, on s’engage dans une série de difficultés sans issue. Le principe ayant été admis en Belgique, depuis près de quarante ans, on n’est point parvenu à sortir du provisoire, et ni ministères ni commissions, malgré d’incessans travaux, ne sont arrivés à proposer un système satisfaisant. La seule solution que tous les partis pourraient accepter, et qui rendrait à la science son libre essor, consisterait à permettre à toutes les facultés de délivrer des diplômes scientifiques, en réservant à l’état le droit de s’assurer, par un examen professionnel, si les gradués peuvent pratiquer sans inconvéniens. Ce contrôle ne paraît indispensable que pour les notaires, les pharmaciens et les médecins. Pour les avocats, il pourrait être supprima, la corporation adoptant d’ailleurs telles mesures d’ordre et de garantie qu’elle jugerait utiles.

En Belgique, c’est l’église qui a su le mieux profiter de la liberté de l’enseignement supérieur. Disposant de la confiance des mères de famille et des contribuions plus ou moins volontaires des fidèles, les évêques ont organisé une université catholique très puissante, en tout soumise aux ordres de Rome. Il en sera de même en France. Si ce n’est pas une raison pour reculer devant la liberté, c’en est une pour bien organiser l’enseignement de l’état. Si l’on ne veut pas que la majorité des jeunes gens soit formée sous l’influence des