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médecine, les autres pour l’examen de droit. Le sort désignerait chaque année les membres du jury de telle façon que la moitié seulement appartiendrait à l’enseignement. Il faudrait ainsi deux tirages au sort, l’un parmi les professeurs, l’autre parmi les personnes étrangères à l’enseignement. Celles-ci devraient fournir un membre de plus, afin de former une majorité en cas de partage égal des voix. Le tirage au sort ou un autre mode de roulement serait indispensable pour éviter que le jury fût toujours composé des mêmes examinateurs. M. Albert Duruy propose de créer « la fonction d’examinateur, qui deviendrait la récompense des services rendus aux sciences par des hommes étrangers aux rivalités qui pourraient se produire entre l’enseignement libre et l’enseignement officiel. Ainsi composés, dit-il, les jurys échapperaient à tout reproche de partialité aussi bien que par leur composition ils contribueraient à maintenir le niveau des études. »

Outre que ce serait créer une nouvelle catégorie de fonctionnaires quand au contraire il en faudrait réduire le nombre, l’expérience a montré en Belgique les inconvéniens qui résulteraient d’un semblable système. Le jury central, de 1835 à 1849, était composé des mêmes membres constamment réélus par les chambres. Il en résultait que les opinions de ces examinateurs s’imposaient à l’enseignement tout entier. Ils devenaient la norme vivante, l’autorité suprême, la science incarnée. Avaient-ils fait un cours, publié des livres, tous les candidats ne suivaient que les méthodes et les idées qui y étaient contenues. Dans ce système, la liberté ne peut plus produire la diversité, car l’uniformité s’impose de fait. Tout examinateur a ses questions favorites, sa manière d’interroger. Elles seront bientôt connues, et les étudians auront soin de diriger leurs études en conséquence : on étudiera l’examinateur, non la science. Il se formera un recueil des questions habituellement posées, et l’on ne verra que celles-là. Voici ce que disait à ce sujet dès 1842 la faculté des sciences de Liège : « La permanence du jury est contraire au progrès de la science, en ce qu’elle établit un véritable monopole pour les opinions scientifiques des membres du jury. Les professeurs sont obligés, dans l’intérêt de leurs élèves, de diriger leur enseignement d’après les idées qui dominent dans le jury, même lorsqu’ils ne les adoptent pas eux-mêmes. Un jury permanent, au lieu de stimuler l’activité scientifique et de maintenir une féconde émulation, donne une prééminence absolue à certains systèmes peut-être surannés ou abandonnés. Il n’existe pas d’idées ou de méthodes privilégiées dans la science; il n’en faut donc pas imposer à l’enseignement. D’ailleurs la stagnation dans le mouvement scientifique, produite par le monopole accordé à certaines opinions, compromet l’avenir intellectuel du pays, car ce sont non pas les aca-