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une confession complète ou une profession de foi. Rien n’est plus imposant que ce gouvernement muet, absolu, infaillible, des consciences, où le mot d’ordre à peine sorti de la bouche d’un homme va retentir jusque dans les parties les plus reculées du monde chrétien sans qu’une voix puisse protester. Et comme si cette discipline ne suffisait pas, la cour de Rome a son infatigable police de l’inquisition pour rechercher et dénoncer les délits d’hérésie et de sorcellerie à d’impitoyables juges qui condamnent et font brûler des milliers de victimes. Tout à coup se lève sur ce monde l’astre de la renaissance, qui, chassant les dernières ténèbres du moyen âge, inonde de lumière l’aurore des sociétés modernes. Devant les arts et les sciences de l’antiquité, l’art gothique et la science de l’école tombent dans le discrédit. Et ce n’est pas le monde savant et lettré seulement qui accueille, admire et dévore ces œuvres merveilleuses de correction classique, de grâce naturelle, de forte pensée, de goût exquis, de langage incomparable, dont l’esprit humain semblait avoir perdu le secret; c’est aussi le monde religieux, c’est surtout la cour de Rome et ses premiers dignitaires italiens.

Ce n’est pas à dire assurément que la renaissance ait fait la réforme. Le protestantisme, il ne faut pas l’oublier, est né d’une simple question d’administration, le don des indulgences; se bornant à changer la discipline, il garda le dogme à peu près entier. La grande réforme qu’il accomplit fut d’affranchir la conscience religieuse de la tutelle qui pesait si lourdement sur elle, et qui ne lui laissait aucune initiative, soit de pensée, soit de sentiment, devant la parole de Dieu interprétée et formulée par l’autorité de l’église. Or tout était là, au moins en principe. Qu’importait que la nouvelle religion ne touchât point au credo, si le dogme entier était livré désormais à la libre interprétation des Écritures par la raison et la conscience des croyans? Sans doute, comme il n’y a pas d’église sans autorité, l’église réformée eut, elle aussi, son concile et son symbole dans la confession d’Augsbourg; mais le principe de l’initiative individuelle avait été tellement affirmé devant le principe contraire de l’autorité officielle, que nul effort de l’orthodoxie protestante, si ce mot peut être appliqué à la réforme, ne put en arrêter l’essor, même du vivant des grands réformateurs. C’était la porte ouverte à la liberté en matière de foi. L’avenir montrera que nulle nécessité de discipline ne pouvait la fermer; mais pour le moment la réforme, à n’en considérer que la portée doctrinale, se réduisit à une très faible simplification du dogme. Le culte des saints, le culte de la Vierge, le culte des reliques, enfin, ce qui est plus grave, l’eucharistie, voilà les principaux objets de la réforme en ce qui concerne le dogme proprement dit. Luther n’était pas seulement un chrétien fervent, c’était un théologien consommé qui n’entendait