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recevant cette réponse antique; eh bien! l’affaire n’en sera que plus glorieuse pour nous. » Et il reprit les préparatifs de cette victoire qui lui apparaissait si belle.

Les progrès de la brèche étaient lents, les blocs de granit, se détachant difficilement, laissaient voir des rangées de gros silex incrustés dans le ciment : c’était comme une seconde muraille dont la destruction absorbait des munitions de plus en plus précieuses, et, comme on était trop pauvre pour pouvoir hasarder un seul coup incertain, au coucher du soleil, le général Valée fit cesser le feu; mais les travaux du siège avancèrent rapidement pendant cette nuit du 11 au 12.

A deux heures du matin, la seconde batterie de brèche était construite avec les sacs à terre qu’on avait dû aller chercher jusque dans les batteries désarmées du Mansoura; l’armement, interrompu par la violence du feu de l’ennemi, que favorisait un intempestif clair de lune, et par une tentative de sortie de la garnison, se termine cependant en deux heures.

Au jour, les trois pièces de 24 et une de 16, prises à la batterie de Nemours, sont à 50 mètres de la brèche commencée. La batterie de Nemours a été réarmée avec une pièce de 16 et 4 obusiers, les autres batteries de Coudiat-Aty sont prêtes à faire feu ; mais les munitions ne sont pas encore arrivées dans la nouvelle batterie de brèche : 200 hommes d’infanterie se dévouent pour les apporter à bras en parcourant intrépidement, en plein jour et à découvert, un espace de 300 mètres à petite portée de fusil du rempart.

Ces travaux si périlleux et si pénibles s’exécutent comme par enchantement. C’est le résultat merveilleux, non d’une passive obéissance à un commandement, mais de cette volonté passionnée et intelligente que le soldat apporte de lui-même à l’accomplissement d’une œuvre nationale. De part et d’autre la tension des efforts, l’ardeur du dévoûment, augmentent à mesure qu’approche le dénoûment de ce duel à mort, dans lequel Constantine ou l’armée doit périr.

La place répare encore une partie de ses défenses; un retranchement est construit en haut de la brèche avec des ballots de laine, des sacs à terre, des bâts de mulets et une palissade. Tous les hommes combattent ou travaillent, la haine des chrétiens et les besoins de la défense l’emportent sur les préjugés musulmans; les femmes ramassent et emportent des blessés, les Juifs eux-mêmes sont contraints de prendre part au mouvement unanime; Ben-Aïssa les emploie comme bêtes de somme pour le service des batteries. Quelques pièces y sont encore ramenées, et l’un des boulets de ces canons, brisés chaque jour et ressuscitant chaque nuit, prive les