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veau Tlemcen avec tous ses embarras naquit le désir de faire garder les murs de Constantine par Achmed-Bey lui-même au nom et sous l’autorité directe de la France. C’était lui demander de faire de lui-même après sa victoire ce qu’on n’eût pas pu lui faire accepter après sa défaite, et cependant on se berça de cette illusion et on négligea des préparatifs aussi nécessaires pour la paix que pour la guerre, car avec les Arabes il faut être plus fort pour négocier que pour combattre.

Le personnel tiré des autres divisions de l’armée d’Afrique et les renforts expédiés de France arrivaient lentement; le mois de septembre, le dernier mois de beau temps, était déjà entamé : rien n’était prêt, rien n’était résolu. Le général de Damrémont fit cesser une indécision qui avait pu jusqu’alors protéger certains travaux, mais qui ne profitait plus désormais qu’à l’ennemi. Achmed, sommé de choisir entre la soumission ou la guerre, se croit assez fort pour braver impunément les chrétiens et lève le masque.

Il a intéressé à sa cause le grand sultan de Constantinople. Mahmoud, maître de Tripoli de Barbarie, a frété une flotte avec des troupes de débarquement pour s’emparer de Tunis, et donner ainsi la main au pacha de Constantine.

Les pluies approchent, les pluies déjà une fois victorieuses. Achmed compte aussi sur elles; il craint même que les élémens, venant trop tôt à son secours, ne laissent pas arriver les chrétiens jusque sous les murs de Constantine, contre lesquels il se croit certain de voir tous les efforts se briser.

Constantine, en effet, était devenue un centre terrible de résistance. Les avertissemens de 1836 n’avaient pas été stériles pour le fidèle et actif Ben-Aïssa : l’attaque des Français lui avait indiqué les points les moins forts de cette place, dont aucun point n’est faible, et il avait employé à les corriger toutes les ressources d’un esprit inventif, quoique ignorant.

La porte d’El-Kantara avait été murée en pierres de taille, surmontée d’une batterie couverte et de deux étages de feux. Un mur avec chemin de ronde, flanqué par des maisons crénelées, ajoutait une défense, assez inutile du reste, à l’escarpement du rocher sur lequel la ville est assise. A son sommet, la casbah avait été réparée, armée de mortiers et de pièces de gros calibre tirant par embrasures en terre; mais c’était principalement sur la face de Coudiat-Aty que l’instinct guerrier de Ben-Aïssa avait multiplié les défenses.

La plupart des 63 bouches à feu dont il avait garni les remparts battaient ce front d’attaque; une ligne de batteries casematées surmontait une haute et épaisse muraille de granit, dont le pied avait été soigneusement déblayé. Tous les parapets, les murs intérieurs, les maisons bâties en amphithéâtre, avaient été crénelés de manière