Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/776

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec Guelma. Ces ruines désertes, animées par le drapeau de la Francs, talisman dont un chef habile comprend la valeur et féconde la puissance, étaient devenues un établissement complet, d’où le colonel Duvivier avait soumis tout le pays jusqu’au Ras-el-Akba.

Ces résultats avaient été obtenus avec une poignée de soldats malades pendant cette période de pluies continues que les Arabes passent dans l’inaction, car l’homme civilisé seul agit en tout temps, le barbare n’a qu’une saison pour guerroyer, et lorsqu’au printemps Achmed tenta d’arracher ses conquêtes à l’homme de fer qui avait veillé pendant sa léthargie, ce fut en vain.

Battu en personne le 24 mai 1837, discrédité auprès des tribus qu’il ne savait pas défendre contre les coups de main hardis de la garnison de Guelma (25 juin), le bey voulut tenter un nouvel effort pour se débarrasser de ce ver rongeur.

Le 16 juillet au matin, Ben-Hamelaoui, un des khalifas du bey, menace les douars voisins du fort de Guelma, devant lequel il défile avec 4,000 chevaux et 1,000 hommes d’infanterie régulière (Turcs et Kabyles). Pour répondre à cette provocation, qu’il ne peut dédaigner à moins de refuser aux tribus soumises cette protection, le premier et le plus difficile des devoirs imposés par la conquête, le colonel Duvivier a seulement 100 chevaux, 2 obusiers de montagne et 600 hommes d’infanterie du 11e de ligne et des tirailleurs d’Afrique, corps de nouvelle formation qui s’éteignit sur la brèche de Constantine, après s’être consumé à Guelma. Avec cette petite troupe, dont aucun homme n’a échappé à la fièvre, il n’hésita pas à suivre l’ennemi, qui s’éloigne pour attirer les Français loin de leur camp. Après une marche de 2 lieues, la colonne, au sortir d’un ravin escarpé, déboucha sur un plateau à ondulations plus douces, mais parsemé de broussailles; c’était le terrain choisi par les Arabes pour écraser les Français, accablés par une chaleur caniculaire, aveuglés et étouffés par la flamme et la fumée de toute la plaine incendiée autour d’eux. Les 4,000 cavaliers de Ben-Hamelaoui, déployés sur une ligne assez étendue, pressent aussitôt le colonel Duvivier sur son front. Dès qu’ils ont gagné quelque terrain, deux corps de cavalerie se détachent de la masse principale, qui continue d’entretenir une vive fusillade : l’un prendra les Français à dos et les empêchera de s’appuyer en arrière au ravin ; l’autre tournera leur droite, tandis que l’infanterie, jusqu’alors tenue en réserve, prolongera ce mouvement, et, masquée par des broussailles, débordera l’extrême droite. Le colonel Duvivier s’arrête et partage ses 600 fantassins en trois petites colonnes espacées à grande distance, avec un détachement de sapeurs pour réserve. Ce sont, pour ainsi dire, trois forts détachés élevés instantanément autour de la position qu’il veut défendre, et contre laquelle, il le sait, la fougue arabe