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France dans la guerre de succession, fut, après la bataille d’Hochstett, mis au ban de l’empire et ne rentra dans ses droits qu’après la paix de Baden. Son successeur, le fameux Charles VII, conquit l’Autriche et ceignit la couronne impériale ; mais, par un revers de fortune, il perdit du même coup et l’empire et la Bavière. La paix de Fussen la rendit à son fils. Plus tard, quand Maximilien-Joseph fut mort sans enfans et que le chef de la branche cadette de la maison palatine, Charles-Théodore, fut appelé à recueillir son héritage, l’Autriche étendit de nouveau la main sur cette proie, et ce fut l’intervention prussienne qui sauva la Bavière. L’alliance française devait, au commencement de ce siècle, l’ériger en royaume ; cet honneur l’eût perdue, si elle n’eût sacrifié à la fortune et acheté par un brusque retour l’indulgence des vainqueurs de Leipzig. C’est ainsi qu’on a vu la Bavière guettant d’un œil inquiet les occasions, cherchant à tâtons sa destinée sur tous les chemins de l’Europe, et tour à tour croyant la tenir, ou réduite à disputer son existence. « Certaines gens, a dit un homme d’état, s’imaginent que la Bavière ne représente rien. Elle a échappé à tant de chances de destruction, elle existe depuis si longtemps, qu’il faut bien qu’il y ait de bonnes raisons pour cela. »

Ce n’est pas seulement dans ses relations avec l’étranger que la Bavière a des choix à faire et que ces choix l’embarrassent. Sa situation intérieure présente des difficultés qui ne peuvent être surmontées que par un gouvernement habile, dont la main soit à la fois ferme et légère. Pays essentiellement agricole et catholique, la Bavière, avec le temps, est devenue autre chose encore ; elle se compose aujourd’hui d’élémens distribués à doses inégales dans les diverses parties de son territoire et réfractaires les uns aux autres. Ses villes industrieuses et commerçantes renferment une bourgeoisie riche, éclairée, ouverte à toutes les idées modernes ; elle a trois universités, — et dans le nombre l’une des plus prospères et des plus fréquentées de l’Allemagne ; un quart de ses 5 millions d’habitans professe la religion protestante, répandue surtout en Franconie et dans le Palatinat. Le parti bourgeois, jaloux d’assurer à la Bavière toutes les institutions et les garanties libérales, forme des groupes épars au milieu d’une vaste population agricole, qui se dérobe à son influence et dont les intérêts sont absolument opposés aux siens. Pour mesurer la distance qu’il y a des idées de cette classe moyenne à celles de ce peuple des campagnes, il suffit de parcourir un numéro de la Gazette d’Augsbourg, qui, à travers les vicissitudes de sa politique, est demeurée l’un des organes les plus éclairés de l’esprit moderne en toutes choses, et de lire ensuite l’un de ces petits carrés de papier qui s’impriment à Munich et dans lesquels un bon sens gausseur ou des préjugés surannés s’adressent, dans le langage