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LA PLACE SAINT-JEAN-DE-LATRAN.


Au mois de novembre, à midi,
Je foulais cette large place
Au sol vague, formant terrasse
Sur la campagne à l’infini.

À gauche, un aqueduc s’allonge
Par-dessus les plis du désert,
Et dans les montagnes se perd
Aussi loin que le regard plonge ;

Vieil échanson que n’use point
La soif des races, il commence
À mes pieds par une arche immense
Et finit là-bas par un point…

À droite, des vergers, des vignes,
Des toits plats, des murs blancs, des pins,
Et, tout au loin, les monts sabins
Aux sereines et fermes lignes.

Tel le fond d’un lac azuré,
À travers l’eau tranquille et belle,
Voilé, mais non terni par elle.
Semble grandir transfiguré,

Tel, dans les campagnes romaines,
Sous la fine écharpe de l’air
Paraît plus doux et non moins clair,
Et plus grand, l’horizon des plaines,

Et cet air magique et subtil
Est tiède : ici l’été s’achève
Comme un printemps nouveau qui rêve
En attendant son mois d’avril.

Rome, novembre 1866.


SULLY PRUDHOMME.