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vient considérable. Il me semble que cette théorie laisse encore prise au doute. La vitesse due à une force accélératrice atteint son maximum au moment où la force cesse d’agir; il s’ensuit que le maximum de la vitesse ascensionnelle que l’oiseau se procure en frappant l’air de haut en bas devra coïncider avec la fin du coup d’aile et s’ajouter à la poussée verticale que l’aile remontante peut gagner aux dépens de la vitesse horizontale. Le résultat devra toujours être que l’oiseau s’élève pendant que les ailes reviennent, et l’on a quelque peine à comprendre que la grande oscillation ascendante puisse commencer quand l’aile s’abaisse, c’est-à-dire au moment où la vitesse ascendante doit être épuisée et où le ressort du coup d’aile n’est pas encore développé. Il y a là, je crois, une difficulté que des expériences ultérieures pourront seules éclaircir.

La différence très sensible que les tracés graphiques font reconnaître entre le vol du canard sauvage et celui de la buse est d’ailleurs révélée par l’aspect même de leurs mouvemens, car le premier de ces oiseaux agite ses ailes de manière à leur faire décrire des angles de 90 degrés, tandis que le coup d’aile de la buse a très peu d’amplitude; en la regardant de profil, c’est à peine si l’on voit la pointe de l’aile dépasser les limites de la silhouette du corps. Le canard sauvage est un rameur, la buse un voilier. L’étude anatomique des muscles nous apprend encore que ce contraste, qui saute aux yeux, repose sur une différence de structure; chez les voiliers, le grand pectoral, qui abaisse l’aile, est gros et court; chez les rameurs, il est long et grêle. On peut conclure de l’ensemble de ces faits qu’un rameur et un voilier de même taille ou de même poids exécutent à peu près le même travail pour se mouvoir dans l’air, car le rameur compense par un grand parcours et une vitesse plus considérable de l’aile ce que les petites dimensions de ce membre lui font économiser en efforts contre la résistance de l’air.

Borelli avait essayé d’évaluer la force que les muscles de l’oiseau développent pendant le vol, en tenant compte de la longueur des bras de levier où ils sont attachés ; il avait ainsi trouvé que la puissance musculaire de l’oiseau surpassait dix mille fois son poids. Un calcul analogue l’avait conduit à admettre que l’homme devait employer pour sauter une force environ trois mille fois plus grande que son poids. Dans un livre publié en 1784, un ecclésiastique allemand, Silberschlag, arrivait cependant à des évaluations beaucoup moins monstrueuses; il estimait à 150 kilogrammes la force musculaire développée à chaque coup d’aile par un aigle qui pesait 4 kilogrammes, ce qui donnerait 38 pour le rapport de la force au poids. M. Marey a essayé d’élucider cette question par des mesures directes. En physiologie, on appelle force statique d’un muscle