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l’air, a une grande importance pour la théorie du vol, car elle donne naissance à une force propulsive parallèle à l’axe du corps. C’est ainsi que la godille, qui frappe l’eau par un plan oblique, pousse le bateau d’arrière en avant. La queue des poissons agit d’une manière tout analogue; celle du castor produit le même effet en oscillant dans un plan vertical. L’hélice des bateaux à vapeur est également un propulseur basé sur le principe du plan incliné.

M. Marey a vérifié ses conclusions au moyen d’un insecte artificiel construit de la manière suivante : deux ailes composées d’une nervure rigide et d’un voile flexible sont articulées sur les deux faces d’un tambour qui représente le thorax de l’animal. Ce tambour est fixé à l’extrémité d’un tube qui permet de le gonfler et de le dégonfler tour à tour, ce qui a pour effet de faire battre les ailes aussi rapidement qu’on veut. Le tube peut tourner librement sur un support. Avec cet appareil, M. Marey a constaté qu’il suffit d’imprimer aux deux ailes un mouvement vertical de haut en bas et de bas en haut pour faire marcher l’insecte artificiel dans le sens horizontal. Les ailes s’infléchissent sous le choc de l’air, et produisent une impulsion horizontale par un effet de plan incliné. En donnant au tube du tambour des positions plus ou moins obliques, on s’assure que l’insecte artificiel soulève le tube lorsqu’il bat des ailes horizontalement, la tête en haut, et qu’il tend à descendre lorsqu’il frappe horizontalement, la tête en bas. Quand l’axe du corps est oblique, l’insecte monte en même temps qu’il tourne dans son manège. C’est ainsi que les choses se passent sans doute dans la nature. La force d’impulsion créée par le battement est presque parallèle à l’axe du corps quand l’aile s’abaisse et lorsqu’elle remonte; pour s’élever, l’insecte doit se tenir à peu près debout, et c’est là en effet la position que les mouches affectent ordinairement dans le vol. Les abeilles s’inclinent généralement à 45 degrés; les papillons préfèrent la position horizontale, mais la grande étendue relative de leurs ailes leur permet de se soutenir avec une force ascensionnelle minime, qu’ils peuvent acquérir en abaissant l’aile plus vite qu’ils ne la remontent. Ils volent d’ailleurs en culbutant et par saccades.

Pour l’oiseau, les conditions de la locomotion aérienne sont très différentes. La résistance de l’air est ici plus grande pendant la phase descendante de l’aile que pendant la phase ascendante. Cela tient d’une part à la disposition des pennes, qui s’imbriquent de façon à fermer tout passage à l’air inférieur, tandis que l’air supérieur peut traverser l’aile en fléchissant les barbes des plumes. D’autre part, la forme de l’aile, convexe en dessus, concave en dessous, établit une grande différence entre les résistances que les deux faces peuvent développer. Enfin nous avons déjà dit que l’aile