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librement par l’extrémité de l’aile. On constate aussi que les pennes voilières sont beaucoup plus molles que les pennes rameuses, ce qui se reconnaît à un signe extérieur assez constant : la fermeté des pennes se trahit par une bigarrure vive et tranchée, tandis que les pennes molles sont comme lavées uniformément de noir vers le bout et d’un blanc uniforme vers la base. Grâce à ces dispositions naturelles, le coup d’aile du rameur doit avoir plus de ressort que celui du voilier, car chez ce dernier l’extrémité de l’aile est déchiquetée et par suite sans force, tandis qu’elle est pleine et ferme chez le rameur; or c’est précisément vers l’extrémité que la surface de l’aile peut produire le plus d’effet en frappant l’air, parce que la vitesse de l’aile y atteint son maximum.

Il y a d’ailleurs une remarque générale à faire sur le coup d’aile de l’oiseau : pour avancer, il frappe droit sous lui, tandis que les rames d’un bateau frappent d’avant en arrière. La différence d’action de l’aviron et de l’aile s’explique aisément par la flexibilité de cette dernière; c’est une remarque que déjà Borelli a faite dans son Traité du mouvement des animaux[1]. Quand l’aile s’abaisse, dit-il, les pennes cèdent à la résistance de l’air et s’infléchissent de manière que l’ensemble des deux surfaces forme un coin, et le ressort de l’air agissant sur les deux plans obliques produit à la fois une impulsion verticale qui soutient l’oiseau contre la pesanteur et une impulsion horizontale qui le pousse en avant. — Huber, qui reproduit ce raisonnement, ajoute que la détente de l’aile, d’abord ployée par la résistance de l’air, prolonge l’action après la fin du coup d’aile proprement dit. Ainsi l’oiseau qui se tient dans une position horizontale et qui bat de l’aile de haut en bas s’imprime une propulsion d’avant en arrière en même temps qu’une certaine force ascensionnelle.

Le coup d’aile périodique dont l’effet immédiat vient d’être expliqué est sans doute le moyen principal mis en jeu par l’oiseau; mais, s’il n’avait pas d’autres ressources, sa locomotion aérienne serait bien compromise, ses forces n’y suffiraient pas. Nous allons voir qu’il peut monter sans faire d’autre effort que de tenir ses ailes déployées; elles produisent alors l’effet de deux voiles tendues à l’aide desquelles il transforme en force ascensionnelle soit la vitesse horizontale qu’il s’est procurée par des battemens répétés, soit le choc du vent. C’est ainsi que le cerf-volant s’élève lorsque la brise le prend en dessous. Le choc de l’air donne naissance à une pression perpendiculaire à la surface du cerf-volant, pression qui peut s’évaluer à 140 grammes par mètre carré pour un vent très faible dont

  1. Borelli, De motu animalium, chap. XXII, prop. 196; Rome 1680.