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de 10 shillings. Le même jour, un libraire rival mettait en vente une contrefaçon à moitié prix ; un ouvrier typographe avait dérobé les feuilles en épreuves à mesure qu’on les imprimait. Au surplus, l’auteur de cet acte de piraterie fut puni par où il avait péché, car il eut des imitateurs qui reproduisirent le Jure divino à un moindre prix encore.

Le projet d’union entre l’Angleterre et l’Écosse fournit à Defoe une nouvelle occasion de servir le gouvernement. Guillaume III avait rêvé, sa vie durant, d’accomplir ce projet ; les troubles de l’époque l’avaient empêché d’y donner suite. Il eût été inutile d’y revenir au commencement du règne de la reine Anne, tant que les tories retenaient le pouvoir ; par trop d’attachement à l’église épiscopale d’Angleterre, ce parti s’était rendu suspect à l’église presbytérienne D’Écosse. Le moment parut propice après l’élection d’une chambre des communes à tendances libérales et l’accession au pouvoir d’un ministère whig. Des commissaires furent nommés de part et d’autre pour s’entendre sur les conditions auxquelles l’union serait possible. Godolphin et Harley étaient au nombre de ces commissaires ; ils appréciaient beaucoup l’un et l’autre les principes politiques et religieux de Defoe, qu’ils honoraient de leur amitié, ses façons courtoises, sa puissance de travail, ses connaissances en matières politiques et commerciales. Toutes ces qualités étaient de nature à produire une impression favorable sur le peuple écossais. Ils l’envoyèrent donc à Édimbourg avec mission d’y appuyer le projet de fusion. Le trajet entre Londres et Édimbourg était alors long et pénible ; il n’y avait ni voitures publiques ni relais de poste ; les voyageurs, obligés de louer des chevaux de ville en ville, restaient plusieurs semaines en route. Encore Defoe était-il plus embarrassé qu’un autre par la nécessité d’envoyer chaque jour à son éditeur de Londres la matière du journal périodique à la rédaction duquel il s’était consacré. À peine arrivé en Écosse, il se hâtait aussi d’y publier de petits opuscules sur l’utilité d’une alliance intime entre les deux royaumes. Eut-il une influence réelle sur les négociations préliminaires de ce traité ? Faut-il croire, comme l’affirme son biographe, que ses écrits contribuèrent pour une bonne part à éteindre les préjugés nationaux qui y faisaient obstacle ? C’est exagérer sans doute l’influence naissante de la presse, qui ne pouvait avoir encore acquis une action décisive sur les esprits. Quoi qu’il en soit de son intervention en cette affaire, où il ne joua peut-être que le rôle de la mouche du coche, le traité d’union, ratifié par les deux parlemens nationaux, fut revêtu de la sanction royale au mois de mars 1707. Defoe reçut sa part de félicitations, et en fut d’autant mieux placé dans l’estime des hommes qui étaient au pouvoir. Néanmoins il ne