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toire neutre, de couper court aux illusions dont on aurait pu se bercer. Elle disait aux Souabes et aux Bavarois en passant contrat avec eux : «Mettez-vous en mesure et laissez à la Suisse ses milices. L’Europe l’a dispensée de prendre parti dans les compétitions à main armée des grandes puissances. C’est une sûreté et un privilège auxquels vous ne pouvez prétendre. Toutes les fois que je ferai la guerre pour l’Allemagne, vous serez derrière moi et avec moi. »

Au surplus, pour se confédérer, il faut s’entendre, et les états du sud ne s’entendaient pas. L’une de ses provinces ayant été incorporée au Nordbund, le grand-duché de Hesse se souciait peu de se partager entre deux confédérations, craignant, non sans raison, de s’exposer à bien des embarras, à un excès de dépendance, et de se trouver un jour tiré à deux chevaux. Impatient d’accéder au Nordbund, le grand-duché de Baden désirait ne point aliéner la liberté de ses résolutions en les soumettant à l’agrément de confédérés moins impatiens que lui ; il ne voyait dans ce monde qu’une confédération désirable, il méprisait les autres comme Israël les idoles des Moabites. Quant au ministère wurtembergeois, sa sagesse un peu narquoise était plus frappée des difficultés que des avantages; il considérait la diversité des caractères et des intérêts nationaux, l’impossibilité de trouver un compromis qui satisfît tout le monde, la prépondérance qu’exercerait la Bavière dans le gouvernement commun, les sacrifices d’indépendance qu’il faudrait s’imposer sans profit évident. La Bavière seule montra quelque disposition à entrer dans la voie qu’ouvrait aux états du sud l’article 4 du traité de Prague, estimant qu’il leur importait de s’unir et de faire corps pour se dérober au conflit des influences, aux dangers de l’isolement. Dans la pensée du prince de Hohenlohe, une confédération du sud, reliée au Nordbund par un acte conventionnel, et entretenant d’autre part avec l’Autriche des relations amicales, eût servi de trait d’union entre Vienne et Berlin, remédié en quelque mesure au déchirement de l’Allemagne, Le prince ne tarda pas à se convaincre que les circonstances étaient contraires à ses désirs, que la Hesse ne pouvait pas, que Baden ne voulait pas, que le Wurtemberg, plus accommodant, consentait à discuter, à raisonner, mais qu’il abondait en objections, et que ses objections étaient solides. Il ne s’obstina point, personne n’étant de son avis, et lui-même après tout n’en étant peut-être qu’à moitié; mais il est singulier que certains partisans du Südbund s’en prennent à lui de leur mécompte; il a tout fait pour le leur épargner; il a parlé, agi. Le gouvernement bavarois peut dire à ses voisins ce que disait à son parlement le Salomon de l’Angleterre, Jacques Ier : «j’ai joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. »

On ne voit pas que les populations aient témoigné dans cette