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que dès lors les règles en vigueur pour valider ses propres actes, ses décisions politiques et législatives devaient seules être admises dans le procès qui allait s’ouvrir. Il n’y avait rien à répliquer, c’était l’évidence même; l’effet de ces paroles fut subit, les adversaires n’insistèrent plus que faiblement, et la majorité raffermie usa sans scrupule de son droit.

Elle dut, on le comprend, garder bonne mémoire de ce service. Celui qui l’avait rendu vit sa faveur s’accroître par ce courageux à-propos, et comme à quelque temps de là, dans une tout autre sphère, l’attention de la chambre fut encore appelée sur lui; comme la commission du budget le chargea du rapport des recettes, et qu’il sut donner à ce travail ordinairement aride un intérêt inattendu en y introduisant une sorte de tableau de toutes les innovations qu’un amour sérieux du progrès pouvait, sans utopie et sans gêne pour le service, demander à l’administration; comme les juges compétens en ces matières, même dans les rangs de l’opposition, s’accordèrent à louer dans ce rapport et l’excellence de la méthode, et la largeur des vues, et la profonde connaissance du sujet, on ne s’étonnera pas qu’à l’ouverture de la session nouvelle, au commencement de 1834, chez les meilleurs esprits de la chambre, chez ceux-là même qui par leur âge et leurs services semblaient en droit d’avoir surtout souci de leurs propres prétentions, chez les vieux, en un mot, peut-être encore plus franchement que chez les jeunes, il y eût comme un désir secret qu’une occasion se présentât de mettre à plus sérieuse épreuve tant de sagacité, de lumières, de notions acquises, et que l’art le plus malaisé et le plus nécessaire, l’exercice du pouvoir, profitât sans tarder des dons prématurés qui se révélaient chez ce jeune homme.

Quant à lui, je dois le dire, il n’avait nulle hâte que ce souhait fût exaucé. Il eût bien mieux aimé ne toucher au but que plus tard et ne pas risquer de l’atteindre, au détriment de notre cause, par un démembrement et un affaiblissement presque certain de la combinaison ministérielle qui depuis dix-huit mois conduisait les affaires, et qui, par un heureux accord d’élémens dissemblables se complétant l’un l’autre, les avait si bien rétablies. Malgré le pénible inter-règne plein d’hésitation, de trouble et de sanglantes luttes qui avait suivi la mort de Casimir Perier, de toutes parts, vers la fin de 1833, la confiance et la prospérité renaissaient à vue d’œil. Ceux qui ont vécu dans ce temps-là savent seuls l’attachement presque superstitieux que tout véritable ami de la monarchie constitutionnelle avait voué à ce cabinet du 11 octobre, laborieusement enfanté, et presque né par surprise au milieu d’incidens d’un haut comique, comme jamais on n’en vit de meilleurs, même aux plus beaux temps de la fronde, mais qui une fois à l’œuvre avait offert à l’opinion tant de