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fonctionnaires administratifs, il a bien eu à certaines époques le pouvoir exclusif de faire des lois, comme il n’a cessé d’avoir celui de les exécuter ; mais le bon sens ne proteste-t-il pas contre la désignation d’un conseil municipal faite par les représentans de localités étrangères, au moment même où l’on témoigne l’intention de rentrer dans les vraies conditions de la liberté ? — En dehors du droit de faire cette désignation, quelle aptitude y apporteraient les députés des départemens ? S’ils ne sont point les représentans des Parisiens, connaissent-ils du moins les besoins, les usages de cette grande ville ? Puisqu’on essaie d’enlever à la représentation municipale de Paris une origine purement politique, il ne faut pas la lui rendre par une voie détournée, moins franche et tout aussi dangereuse. La majorité du corps législatif ferait tout naturellement de cette élection une affaire de coterie ou de parti. Les intrigues de couloirs et de bureaux remplaceraient ou les abus des désignations gouvernementales ou les violences des journaux et des réunions publiques. Il y a plus : on peut prévoir le cas où cette désignation deviendrait très dangereuse pour la considération de la chambre elle-même et conduirait à des attaques contre son autorité. Que le conseil municipal ainsi nommé suspende ou poursuive, par exemple, les travaux qui occupent tant d’ouvriers, et le corps législatif sera populaire ou impopulaire ; que les taxes municipales soient élevées ou amoindries, et la responsabilité en remontera bien vite à l’assemblée d’où le conseil tirera son origine, et qui lui aura véritablement donné son mandat. Illogique, impuissant ou dangereux, ce système ne paraît guère admissible.

Les inconvéniens que nous venons de signaler ne pourraient-ils être atténués en partie ? Ne peut-on enfermer le choix de la chambre des députés dans certaines catégories de personnes dont la compétence et l’honorabilité ne donneraient lieu à aucune objection ? L’agglomération parisienne se compose de catégories très distinctes, divisées par des intérêts sérieux et permanens, les industriels, les commerçans, les professions libérales, la magistrature, l’université, l’administration, les oisifs eux-mêmes. Chacun des élémens principaux de la population veut et doit être représenté dans le conseil municipal. Pourquoi ne pas imposer au corps législatif l’obligation de faire légalement ce que le gouvernement de la restauration et celui de l’empire ont toujours exécuté en fait, à savoir, de prendre dans l’Institut, les cours et les tribunaux, le conseil des ponts et chaussées, la chambre et le tribunal de commerce, parmi les notaires et les avoués aussi bien que dans les rangs des habitans notables, des membres appelés par leurs aptitudes spéciales à décider de tout ce qui intéresse la ville ? Cette limitation de choix répondrait peut-être à une des objections précédentes ; toutefois elle ne remédierait en