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mais tous ces grands percemens à moitié engagés ne sont-ils pas aussi des ruines neuves ? n’y a-t-il pas là de grands intérêts en souffrance ?

Le corps législatif ne tardera pas à être juge de toutes ces questions, puisqu’enfin le budget extraordinaire de 1870 va lui être soumis ; mais déjà l’on se demande si l’objet de la loi du 18 avril 1869, c’est-à-dire la division des deux budgets, n’est pas condamné d’avance. Les travaux de la commission chargée de réformer l’organisation de la ville de Paris et celle du département de la Seine concluront peut-être au rapport de cette loi. Selon que le mode de nomination du conseil municipal inspirera plus ou moins de confiance dans l’indépendance de ses membres, la division des deux budgets et surtout le vote du budget extraordinaire par le corps législatif paraîtront moins indispensables. Avec l’élection directe par le suffrage universel, cette mesure offrirait une contradiction manifeste. Il nous reste donc à examiner de quelle solution semble susceptible la seconde question dont le corps législatif sera prochainement saisi, et à indiquer quelques-uns des systèmes déjà formulés sur ce point si important de notre régime intérieur.


III

L’organisation municipale de Paris, telle qu’elle subsiste encore, ne date ni du second empire ni de la dictature qui l’a précédé. C’est un décret du gouvernement provisoire de 1848 qui a dissous le conseil municipal élu du régime constitutionnel de 1830 et rétabli le maire de Paris avec le nom et les pouvoirs qui rappelaient l’ère républicaine. Les lois du 5 mai 1855 et du 16 juin 1859 ne firent qu’homologuer le décret du gouvernement provisoire et rendre à la commission municipale le nom de conseil ainsi qu’au maire de Paris la qualification de préfet de la Seine, sans rien changer au système autoritaire de l’administration ; les décrets du 23 mars 1852 et du 9 janvier 1861, en étendant considérablement les attributions du préfet de la Seine, ont voulu rendre définitif le régime provisoirement établi. « Il appartient à l’empereur, disait M. Haussmann dans un discours de 1864 à l’Hôtel de ville, de nommer le conseil municipal de Paris ; ce n’est pas un état de choses provisoire, c’est l’exécution d’une loi organique rendue dans des circonstances qui en accroissent la force et en assurent la durée. » Et, pour achever de détruire tout espoir de modification future, il rappelait que dans la discussion de la loi organique de 1855, lorsqu’on avait demandé de réserver la question du régime municipal de Paris, le rapporteur, M. Langlois, avait, aux applaudissemens de la chambre, déclaré énergiquement qu’il fallait en finir avec le régime provisoire de la