Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa mère ne peut ou ne veut le nourrir, l’allaitement mercenaire, et plus encore l’allaitement artificiel, presque toujours mal dirigé, lui suscitent de nouveaux dangers qu’augmentent dans de formidables proportions l’ignorance et la misère. Il ne faut donc pas s’étonner que la mortalité du nouveau-né ou de l’enfant dans sa première année soit partout et toujours considérable. Si, pour en déterminer l’étendue, nous recherchons, à l’aide de documens publiés par le ministère de l’agriculture et du commerce, quelle a été pour la France la mortalité des enfans depuis leur naissance jusqu’à un an, en comparant le chiffre des décès au chiffre des naissances, déduction faite des mort-nés, nous voyons que cette mortalité est loin de diminuer. De 1840 à 1854, elle était en moyenne de 16 pour 100 ; elle monte, de 1855 à 1864, à 18 pour 100 ; elle s’élève à 19 pour 100 en 1865 ; il meurt donc en France, depuis leur naissance jusqu’à un an, à peu près 1 enfant sur 5.

Que se passe-t-il à cet égard dans les autres pays de l’Europe d’après les relevés officiels publiés par les gouvernemens ? L’Angleterre serait la mieux partagée sous ce rapport, puisque sur 100 enfans de moins d’un an il n’en périrait que 14. Malheureusement nous ne pouvons accepter qu’avec une grande réserve les données des statistiques anglaises pour ce qui concerne le chiffre des naissances et celui des décès des jeunes enfans. L’état civil est confié au clergé, et par cela seul il est entaché d’incertitude ; de plus, les enfans morts avant leur cinquième jour sont, pour des raisons que nous ne pouvons développer ici, considérés comme mort-nés, tandis qu’en France, l’inscription à l’état civil étant obligatoire avant le troisième jour, un grand nombre des mort-nés d’Angleterre compteraient parmi les enfans décédés de la naissance à un an.

Pour les autres pays, les chiffres conservent leur valeur. Ainsi, sur 100 enfans venus au monde vivans, il en meurt avant l’expiration du douzième mois : en Belgique 15, en Hollande 19, en Prusse 20, en Autriche 25, en Bavière 30, c’est-à-dire, pour ce dernier pays, près de 1 enfant sur 3[1].

  1. Mortalité des enfans au-dessous d’un an.
    Naissances Décés
    France 1840-1844 4,850,010 772,384
    « 1845-1840 4,776,258 767,827
    « 1850-1854 4,750,898 761,476
    « 1855-1859 4,782,400 878,144
    « 1800-1864 4,975,794 854,837
    « 1865 1,005,753 192,135
    Angleterre 1838-1854 9,718,886 1,452,902
    Belgique 1841-1860 2,670,878 408,228
    Pays-Bas 1850-1859 1,075,979 210,112
    Prusse 1859-1861 2,108,027 426,844
    Autriche 1851-1857 9,220,665 2,344,829
    Bavière 1835-1860 3,787,126 1,141,827