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insensibles à la beauté. A certains momens, ils semblent eux-mêmes animés du désir de paraître beaux ; les cerfs et toutes les espèces de la race féline prennent une attitude fière ; les oiseaux qui ont une belle huppe dressent cette huppe, ceux qui ont une belle queue, tels que les paons, étalent cette queue, comme dominés par le sentiment de l’orgueil. Du reste il est évident, d’après l’observation, que la beauté des individus d’un sexe doit produire sur ceux de l’autre sexe une assez forte impression. Ils acquièrent tout leur éclat dans le temps où les mâles et les femelles se rapprochent. Les poissons, chez lesquels on aperçoit à peine quelques pâles lueurs d’intelligence, prennent alors des couleurs d’une vivacité surprenante. Beaucoup, d’oiseaux en plumage de noce semblent avoir revêtu des habits de fête ; le gentil chardonneret, le gai pinson sont tout brillans, le bouvreuil, habituellement d’un rose terne, s’est empourpré. On aurait tort de penser que, parmi les animaux richement organisés, un mâle pouvant choisir s’unisse indifféremment à la première femelle venue, une femelle à un mâle sans le moindre souci des avantages extérieurs ; l’observation ne permet pas d’accepter une semblable opinion. Un amateur distingué, M. le comte Primoli, qui aime les oiseaux et qui sait une infinité de choses charmantes sur leurs ménages, s’était procuré plusieurs de ces énormes. pigeons obtenus par une suite de sélections, et désignés par les oiseleurs sous les noms de pigeons de Hollande et de pigeons romains. L’époque de la pariade arriva, et ce fut l’instant de choisir, ici un époux, là une compagne. Il y avait dans le voisinage des pigeons ordinaires ; or il advint que chaque gros pigeon, alla rechercher une petite compagne, chaque grosse femelle un époux de petite taille. On voit des choses semblables ailleurs que chez les animaux. Pour conserver la race, il fallut rendre les communications impossibles.

Les mammifères et les oiseaux les mieux doués témoignent leur joie à l’idée d’une distraction, comme les chiens de chasse en voyant prendre les fusils, comme les chevaux fringans quand on se prépare à les faire sortir. Ils éprouvent de l’ennui, et l’on sait que l’ennui est quelquefois mortel, même pour les bêtes. Les conditions de la vie ne se bornent aux besoins purement matériels que chez les espèces inférieures. Les mammifères et les oiseaux aiment à s’amuser ; souvent le jeune chat ne veut pas jouer tout seul, et à sa manière il vous invite à jouer avec lui. Les animaux ont des colères terribles ; la passion de la vengeance peut les exciter à un point extrême ; il n’est pas jusqu’à des insectes, tels que les guêpes et les abeilles, qui ne poursuivent un agresseur durant des heures entières, cherchant à le blesser. Tous les êtres se montrent paresseux ; l’oiseau, qui a pour devoir de construire un nid, se dispense de cette besogne,