Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la rapidité des mouvemens, la puissance du vol. A cet égard, une étude comparative, qui n’a pas encore été faite d’une manière suffisante, donnerait lieu à des remarques pleines d’intérêt. La respiration étant plus ou moins active, la circulation du sang à son tour offre des variations correspondantes, circonscrites dans des limites fixées par la structure ou la disposition des organes. Chez les grands voiliers, le cœur a de plus fortes proportions eu égard au volume du corps que chez les espèces sédentaires. Le ventricule gauche, qui chassa le fluide nourricier dans tout le système artériel, a des parois d’une épaisseur considérable soutenues encore par d’énormes colonnes charnues chez les oiseaux d’un vol puissant, où les contractions doivent se faire avec le plus d’énergie. Il est curieux de suivre par l’examen toute la série des nuances dans les canards, les grues, les flamans, les goélands, les oiseaux de proie, où enfin se trouve réalisé le plus haut degré de perfection. Chez les espèces ayant un vol peu soutenu, comme les gallinacés, les perroquets, les moineaux, les mêmes parois, les mêmes colonnes charnues ne présentent comparativement qu’une résistance assez faible. De la même façon est modifiée la capacité du ventricule droit, dans lequel vient affluer le sang veineux ; médiocre dans les espèces d’habitudes tranquilles, elle est grande chez les espèces aux allures vives et capables d’exécuter de rapides voyages.

Autrefois des hommes simples s’imaginèrent qu’il suffirait de s’attacher des ailes aux épaules pour s’élever dans l’air. Si réellement l’idée amena un commencement d’exécution, la tentative dut aussitôt convaincre les plus entreprenans de l’inanité du projet. L’homme est sans force pour manœuvrer de grandes ailes, et, possédât-il la force, les proportions et la pesanteur de son corps resteraient des obstacles invincibles. L’oiseau, tout couvert de plumes, admirablement taillé pour son principal mode de locomotion, a des muscles d’une puissance prodigieuse pour mettre en mouvement ses membres antérieurs, et il offre peu de poids, car son corps renferme de vastes poches toujours remplies d’air, et ses os, pour la plupart, sont creux. De nos jours, l’idée de la navigation aérienne revient sans cesse ; il y a des chercheurs qui se préoccupent peu en général des données de la science, et qui néanmoins sont très convaincus de la possibilité d’un succès. Le modèle ne semble-t-il pas être dans la nature ? Mais c’est précisément ce modèle qui inspire au naturaliste la crainte que l’on ne poursuive une chimère. Le volume d’un aigle ou d’un condor n’est pas très considérable, et l’oiseau qui atteint une plus grande taille, sans perdre cependant aucun des caractères essentiels du type auquel il appartient, est inhabile à voler. L’autruche et les casoars demeurent à terre ; les gigantesques dinornis, qui vivaient à la Nouvelle-Zélande il y a peu