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des êtres, poursuivie d’une manière comparative dans tous les détails de leur organisation et dans tous les actes de leur vie, peut seule conduire sûrement à distinguer ce qui est général de ce qui est particulier, et, comme but suprême, à reconnaître les grandes lois de la nature. La route est à peine tracée, et l’on voit en perspective l’interminable série de conquêtes qui viendront successivement accroître le domaine de la science. Si tout encore devait se borner à apprécier les relations de l’organisme et des circonstances de la vie, à acquérir une certitude même avant l’observation, directe à l’égard des habitudes d’un animal d’après la seule considération de sa conformation, ou à l’égard de particularités organiques d’après des aptitudes reconnues, le résultat serait déjà immense ; mais au-dessus d’un tel résultat s’élève la question des instincts, de l’intelligence, du sentiment, dans leurs rapports avec l’organisme, — la psychologie, appuyée sur des faits capables d’être démontrés par l’observation et l’expérience, et par la comparaison, cette précieuse source de lumière.

Dans cet ordre d’idées, nous avons à nous préoccuper des faits dont l’explication sera fournie par les données de la science actuelle et des sujets qui, pour être bien compris, réclament des recherches d’un nouveau genre. Au milieu d’un champ aussi vaste, nous devons nécessairement nous arrêter à un petit nombre d’exemples, — choisis parmi les plus frappans et les plus instructifs, — et négliger les choses de science tout à fait vulgaire. Il y aurait peu d’utilité à s’inquiéter des membres convertis en rames pour la natation et en organes pour le vol, ou des dents en harmonie avec le régime et les appétits, rien n’ayant été plus souvent cité par les naturalistes pour montrer leur puissance de déduction. Dans cette étude, dont les limites doivent être restreintes, nous ne chercherons pas à insister à l’égard de l’homme sur des coïncidences du genre de celles que nous nous proposons d’examiner chez divers animaux. Pour avoir un terme de comparaison, il nous suffira de remarquer que l’homme, doué d’une intelligence fort supérieure à celle de toutes les autres créatures, possède des avantages physiques aussi prononcés dans l’attitude de son corps et dans la forme de sa main, cet incomparable instrument naturel. L’instrument étant donné, doivent être donnés instinct et intelligence capables de le mettre en usage et d’en tirer tout le parti possible. C’est là une vérité absolument générale, destinée à sortir éblouissante de l’observation et par-dessus tout de la comparaison des faits, et qu’il est nécessaire d’avoir sans cesse devant les yeux.