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que les poissons réalisent par la forme de leur corps et par leurs nageoires les conditions les plus favorables pour se mouvoir dans l’eau. On n’a pas eu besoin de recherches pour apprendre que les ailes de l’oiseau et de l’insecte sont les instrumens qui permettent à ces animaux de se soutenir dans l’air et de traverser des espaces plus ou moins considérables. A toutes les époques, les ailes ont été pour les hommes un objet d’envie, un idéal. En imagination, il existe des anges, et ces créatures célestes à forme humaine portent des ailes. S’élever en peu d’instans à de grandes hauteurs, franchir avec rapidité de vastes étendues, se dérober d’une façon presque soudaine à ceux que l’on veut fuir, tomber à l’improviste en certains endroits pour y découvrir des choses secrètes ou charmantes, sont des désirs qui ont agité bien des cœurs.

Quelques-uns des traits généraux de la nature ont été inévitablement sensibles dans tous les âges aux yeux des hommes les moins enclins à se livrer à de hautes spéculations ; seulement rien n’était compris. Les premiers qui conçurent la pensée d’écrire l’histoire des animaux demeuraient sous l’empire des idées régnantes, ils s’arrêtaient aux apparences, qui suffisent pour satisfaire l’esprit de simples contemplateurs ; mais vint le jour où des naturalistes songèrent à dresser une sorte d’inventaire de la nature. Alors de la nécessité de donner de chaque animal un signalement propre à le faire reconnaître naquit la préoccupation de saisir des particularités de conformation communes à un plus ou moins grand nombre d’espèces, sans désormais beaucoup s’inquiéter du genre de vie. On commença de s’apercevoir que des créatures très rapprochées par les caractères de leur organisation peuvent avoir des mœurs et un régime alimentaire fort différens. Cette vérité entrevue, on était loin cependant d’avoir une conception nette des formes typiques auxquelles se rattachent les êtres animés. Aussi ce fut un événement lorsque George Cuvier, plus instruit que ses devanciers, découvrit « qu’il existe quatre formes principales d’après lesquelles tous les animaux semblent avoir été modelés. » Cette nouvelle clarté reçut bientôt tout l’éclat imaginable par les observations d’un professeur de Saint-Pétersbourg, travaillant et méditant sans souci des opinions plus ou moins acceptées. Il était arrivé à cet investigateur patient et habile de constater que les caractères des êtres dans leur état d’embryons assuraient les divisions naturelles reconnues par Cuvier, et dont il y avait seulement à rectifier les limites. D’un autre côté, d’heureuses inspirations écloses dès les premières années de notre siècle imprimaient aux recherches une direction particulièrement favorable aux progrès de la science. Des comparaisons faites avec méthode procuraient la certitude que tous les représentans de