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marquée de blanc ; si on les pèse, elle doit être très mal classée sur ce fameux tableau, car il est certain que l’élite morale et intellectuelle de son haut clergé appartient à la tendance libérale, à commencer par l’archevêque de Paris, vrai fils de la France moderne qui a mérité la haine de la curie romaine. On a lu cette fameuse lettre où le pontife lui reproche sa soumission aux lois de son pays avec non moins d’acrimonie que sa résistance à l’absolutisme romain. M. l’archevêque de Paris s’est exprimé très modérément sur le concile, mais sa personne même vaut un mandement libéral. La faculté de théologie de la Sorbonne est demeurée fidèle à ses glorieuses traditions. On sait le bruit qu’a fait le remarquable livre sur le concile général et la paix religieuse, de son doyen, le savant abbé Maret, qui discute pied à pied les affirmations de l’ultramontanisme. Non content de réclamer la supériorité du concile sur le pape, il demande la périodicité des assemblées délibérantes de l’église. Son collègue l’abbé Gratry vient d’entrer en lice en s’attaquant avec verve à une falsification de l’histoire due aux docteurs ultramontains ; il s’agit de la condamnation prononcée par le sixième concile œcuménique contre le pape Honorius. « Le seul fait, dit-il dans sa première lettre, des falsifications systématiques du bréviaire romain toujours dans le sens de la souveraineté absolue et de l’infaillibilité séparée, ce seul fait, et il y en a d’autres, suffit à nous interdire devant Dieu et devant les hommes, aux yeux de la foi et de l’honneur, de rien proclamer dans ce sens de trop suspect, puisqu’il a pour allié le mensonge. » Une tempête d’injures s’est déchaînée à ce sujet du côté des ultramontains contre l’abbé Maret et l’abbé Gratry. Le mandement d’adieu de M. Dupanloup a été pour le clergé français ce qu’a été le manifeste de Fulda pour l’Allemagne. En prenant aussi nettement parti contre l’opportunité du nouveau dogme, l’évêque d’Orléans a effacé aux yeux de Rome tous les services qu’il avait rendus, spécialement dans la campagne relative au pouvoir temporel. Ni l’âge ni de cruelles souffrances n’ont pu amortir l’ardeur de M. de Montalembert ; il est encore l’un des plus vaillans dans son parti, et il est certainement le plus hardiment libéral. On s’en est bien aperçu en lisant la lettre qu’il a envoyée aux catholiques allemands pour souscrire à leur programme. Pour M. Arnaud (de l’Ariège), qui combat depuis longtemps la papauté temporelle, le dogme de l’infaillibilité est une prétention injustifiable ; il montre dans son livre sur l’Église et la révolution la profondeur de l’abîme creusé par les docteurs du Gesù et les encycliques entre la société moderne et l’église. M. de Metz-Noblat, l’un des membres de la ligue libérale de Nancy, exprimait en ces termes les angoisses des consciences qui ne veulent pas séparer la liberté