Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’était présentée sous une forme assez singulière ; il s’agissait de savoir si le devoir de la résidence était pour l’évêque d’institution divine ou papale. Le concile laissa sans solution les débats très vifs soulevés à ce sujet ; défense fut faite par la papauté d’interpréter d’une façon quelconque les canons de Trente. La France ne voulût jamais les recevoir, parce qu’elle les trouvait attentatoires aux droits du royaume, bien qu’ils fussent modérés, si on les compare à ceux des conciles de Latran, qui avaient siégé en quelque sorte dans les antichambres de la papauté.

On sait quelle énergie cette opposition gallicane déploya dans le cours du XVIIe siècle. Elle se personnifia dans les deux plus grands noms de la prose française, Pascal et Bossuet. Les flèches brillantes et acérées des Provinciales transpercent encore l’école ultramontaine au travers de ses faux-fuyans et de ses équivoques. Quant à Bossuet, il a fallu, pour amortir sa polémique, avoir recours au vieux procédé des faux documens, comme on peut s’en convaincre par le savant ouvrage que l’abbé Loyson vient de consacrer à l’assemblée du clergé de 1682[1]. Fidèle aux traditions françaises, cette assemblée opposait aux empiétemens du saint-siège les grandes maximes du concile de Constance, et écartait sans détour la prétendue infaillibilité du pape. Il eût été bon sans doute de sauvegarder davantage l’indépendance de l’église vis-à-vis de la royauté, et surtout de respecter le droit des minorités religieuses, odieusement violé sur les instances de Bossuet. L’assemblée de 1682 renouvelait l’attentat des pères de Constance contre la liberté de conscience ; mais au moins savait-elle parler à Rome un langage ferme et indépendant, qui arrêtait pour un siècle les progrès de l’ultramontanisme.

Nous n’avons pas à retracer ici les circonstances qui ont amené le triomphe ou du moins la recrudescence de l’idée ultramontaine au XIXe siècle. La révolution française, par la constitution civile du clergé et les persécutions qui la suivirent, jeta l’ancienne église de France aux pieds de la papauté. Napoléon continua son œuvre. Il avait beau s’être composé une bibliothèque gallicane, il n’en demanda pas moins au saint-père de déposer les évêques récalcitrans qui ne se conformaient pas au concordat, ce qui était une effrayante usurpation. M. d’Haussonville a montré ici même, dans un large récit des luttes de l’église et de l’empire au commencement du siècle, comment le grand despote traita la société religieuse. Il n’avait lu qu’un seul texte dans l’Évangile : rendez à César ce qui est à César, et il persécutait cruellement ceux qui se permettaient de lire la phrase tout entière et de rendre à Dieu ce qui est à Dieu. Napoléon

  1. L’Assemblée du clergé de France en 1682, par M. l’abbé Jules Loyson, 1 vol. in-8o : Didier.