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acceptent, comme leur étant dus, les légers services qu’un homme bien élevé est toujours heureux de rendre aux femmes, elles n’ont point ces exigences affectées qui à la longue deviennent si fatigantes. Notre voyage depuis Sacramento jusqu’à Omaha n’avait en rien ressemblé à un voyage d’aventures ; nous n’avions couru aucun danger réel ni souffert aucun accident, nous n’avions pas eu d’excessives fatigues à endurer. Cependant, en fin de compte, nous avions été en proie à bien des petites misères, et le trajet, on peut le dire, n’avait pas été fort agréable. Nous étions couverts de poussière notre peau était séchée par le vent des prairies et brûlée par le soleil ; nous avions été assez mal nourris et encore plus mal couchés ; la mauvaise humeur aurait été excusable même chez des hommes endurcis, et la souriante gracieuseté que nos charmantes compagnes conservèrent jusqu’à la fin était assurément digne d’éloges. « Le meilleur n’est pas trop bon pour moi, me disait l’une d’elles, mais je ne demande pas mieux que le meilleur. » C’était de la bonne philosophie pratique après un voyage de six jours où ce meilleur dont on se contentait se résumait en un méchant lit, un mauvais repas, et en l’absence du plus ordinaire bien-être.


IX

Omaha (dans le Nebraska) et Council-Bluffs (dans l’Iowa), situées l’une en face de l’autre, sur la rive droite et la rive gauche du Missouri, appartiennent à ces villes du Nouveau-Monde dont la croissance rapide, la prospérité extraordinaire font l’orgueil des Américains et l’étonnement des étrangers.

Omaha sert de tête de ligne au chemin du Pacifique ; elle doit son importance à ce chemin de fer, elle est née et elle a grandi avec lui. La compagnie de l’Union y possède de vastes ateliers, où l’on construit des wagons et des locomotives qui, sous le rapport de la solidité et même de la perfection du travail, ne laissent rien à désirer. La ville, bâtie sur un plan grandiose, compte aujourd’hui 16,000 habitans. Les rues sont larges et droites, et parmi les maisons d’habitation qui les bordent on en remarque de magnifiques qui feraient honneur aux plus grandes cités des États-Unis. Omaha fournit à tous les besoins des cultivateurs et émigrans de l’ouest ; elle ressemble à un vaste bazar où l’on s’approvisionne de marchandises et d’articles de toute espèce. La ville est assez spacieuse pour contenir dès aujourd’hui une population double de celle qui l’occupe. Aussi les rues offrent-elles au premier aspect peu d’animation. Toutefois, en observant la façon de vivre des habitans, on est frappé de leur