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Un certain nombre de socialistes, sans aller aussi loin que ceux dont nous venons de parler, se bornent à demander une plus juste répartition entre le capital et le travail des produits créés avec le concours de chacun d’eux. Suivant eux, la part que s’attribue le capital est telle que celle du travail devient insuffisante, et qu’elle réduit les salaires au taux le plus bas. Bien loin qu’il en soit ainsi, c’est le contraire qui est vrai. Le capital opprime si peu le travail que, lorsqu’il est abondant, le salaire hausse, et que, s’il manque, les salaires sont au plus bas. Cela est facile à comprendre. Jour produire, il faut le concours de ces deux élémens, capital et travail; que l’un vienne à manquer, et l’autre reste impuissant; que le premier abonde, et le second s’en trouve bien. Si donc le capital s’accroît, il faudra pour l’utiliser une plus grande quantité de travail, et par suite les salaires hausseront. Si le capital diminue, il ne pourra plus occuper qu’une partie des bras qu’il employait d’abord, et les salaires baisseront. C’est à l’accroissement des capitaux, à la multiplication des machines que nous devons l’accroissement du bien-être des masses.

Le capitaliste, loin de s’engraisser aux dépens du travailleur, lui rend service en lui prêtant, même à titre onéreux, les instrumens au moyen desquels ce dernier peut rendre son travail plus fructueux, et la preuve, c’est qu’il consent à accepter les conditions qu’on lui impose. Et sur quoi se fonde-t-on pour dire que ces conditions sont trop dures et que le capitaliste prend une trop grosse part? Le contrat est librement débattu : l’un est maître de son capital comme l’autre de son travail; s’ils tombent d’accord, c’est qu’ils y trouvent tous deux leur avantage; s’ils ne s’entendent pas, ils sont libres de s’adresser à d’autres, Quant à vouloir forcer le capitaliste à se contenter d’une part inférieure à celle qu’il peut légitimement réclamer d’après l’état du marché et, d’après les risques qu’il doit courir, ce serait d’abord exercer une spoliation analogue à celle que lui imposerait la gratuité du crédit, ensuite diminuer l’avantage qui pousse les hommes à épargner, à amasser de nouveaux capitaux, qui devront à leur tour concourir à la production.

Beaucoup de socialistes voient dans la participation aux bénéfices un moyen d’améliorer la situation des travailleurs. Sans repousser d’une manière absolue cette participation qui, dans certains cas, peut avoir d’excellens résultats, pourvu d’ailleurs qu’elle soit librement consentie, nous pensons cependant qu’ils se font illusion sur ce point. Le bénéfice en effet n’est pas une chose fixe et invariable, il dépend non-seulement de l’habileté de l’entrepreneur, mais des besoins de la consommation et d’une foule de circonstances qu’il est souvent difficile de déterminer à l’avance; aussi arrive-t-il que l’entreprise la mieux conçue donne parfois des pertes. Quelle sera dans ce cas la situation des ouvriers? Ils seront privés de toute rémunération et réduits à la misère. L’interven-