Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/1023

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alors à constituer un ministère provisoire qui a pour principale mission de dissoudre le Reischrath et les diètes provinciales pour faire des élections nouvelles. Le nom seul du premier ministre cependant est déjà le signe d’une victoire relative des idées de conciliation. Ce n’est malheureusement qu’une étape dans une crise qui tient à l’organisme de l’Autriche, et qui est trop profonde pour céder à de vains palliatifs. CH. DE MAZADE.


LE SOCIALISME CONTEMPORAIN.

S’il fallait une nouvelle preuve qu’on ne tue pas les idées en les empêchant de se produire, le spectacle auquel nous assistons depuis un an suffirait pour nous la fournir. Parce que nous avons vécu pendant vingt années sous un régime de silence forcé parce que les aspirations comprimées ne pouvaient se faire jour, parce que certaines institutions philanthropiques avaient été créées avec beaucoup d’éclat dans l’intention hautement proclamée de venir en aide aux classes nécessiteuses, on s’était imaginé que la paix s’était faite dans les esprits, que les théories socialistes, qui en 1848 et 1849 avaient un moment menacé l’ordre établi, s’étaient à jamais évanouies, et que les splendeurs du nouveau régime, semblables à l’aube naissante, avaient dissipé le cauchemar d’une révolution sociale. Nous voyons aujourd’hui ce qu’il faut penser de cette conversion ; dès que la plus légère fissure leur a permis de se manifester, nous avons vu reparaître les mêmes doctrines et les réunions publiques retentir des mêmes accusations contre la société. Puisque aussi bien la force est impuissante, c’est à la discussion qu’il faut avoir recours, et puisque les baïonnettes n’ont jamais rien démontré, adressons-nous une fois pour toutes à la logique et au bon sens. Le meilleur moyen d’avoir raison de ces théories insensées qui, sous prétexte de faire le bonheur de tous, commencent par bouleverser l’existence de chacun, c’est la diffusion de l’économie politique. M. Bénard, dans un ouvrage intitulé le Socialisme d’hier et celui d’aujourd’hui[1], s’attaque directement aux différentes écoles socialistes, montre ce qu’elles ont de spécieux et n’en laisse aucun vestige. L’analyse de ces utopies fait reconnaître avec une profonde tristesse que, bien que se déguisant sous des noms différens, elles sont absolument les mêmes que celles que nous avons déjà vues il y a vingt ans.

Nous rencontrons en première ligne ceux qui demandent la liquidation sociale. Cette opération, suivant eux, pourrait se faire sans spolier

  1. Le Socialisme d’hier et celui d’aujourd’hui, par M. Bénard ; 1 vol. in-32 ; Guillaumin.