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neuves, et si certaines de ses démonstrations laissent à désirer, il lui fait certainement honneur par la finesse des observations, l’ampleur et l’éclat de la forme, et cette flamme du cœur enfin qui fait dire en toute vérité à propos de l’auteur : le style, c’est l’homme.

E. VACHEROT.

HISTOIRE DE MARIE STUART, D’APRÈS DE NOUVEAUX DOCUMENS[1].


Il y a un certain nombre de problèmes historiques qui semblent faits pour entretenir une éternelle controverse ; tel est celui du masque de fer, agité de nouveau avec bruit dans ces derniers temps ; telle est aussi la question de savoir si Marie Stuart, la fameuse reine d’Ecosse, a trempé dans le meurtre de Darnley, son époux. « Les arbres, dit un proverbe, empêchent de voir la forêt ; » de même trop de démonstrations peuvent parfois empêcher de voir la vérité : celle-ci demeure comme enfouie sous l’amas même des documens destinés à la dégager.

Si l’on consulte au mot Marie Stuart les divers dictionnaires et manuels d’histoire, je parle des meilleurs et des plus modernes, voici à peu près ce qu’on y lit : « Marie Stuart entra dans une conspiration formée contre son mari par le comte Bothwell, et laissa placer un baril de poudre au-dessous de la chambre où il couchait. Darnley ayant péri dans l’explosion, la reine épousa Bothwell. » La plupart des lecteurs, portés au respect de la chose une fois jugée, n’en demandent pas davantage, et la royale victime d’Elisabeth demeure pour eux une princesse non moins criminelle que séduisante. Quant à ceux qui, de l’arrêt d’un historien, se pourvoient volontiers auprès d’un autre historien, qui recherchent les débats contradictoires et les procès révisés, leur embarras n’est pas moindre. D’un côté, tant d’accusateurs armés de réquisitoires si concluans ne leur permettent guère de douter ; de l’autre, tant de défenseurs s’appuyant de plaidoyers si persuasifs leur défendent de se prononcer ; d’une part, Buchanan, de Thou, Robertson, Laing, Hume, Dargaud et M. Mignet ; de l’autre, Lesly, Belleforest, Herrera, Keith, Goodall, Lingard et Tytler, — sans compter, ici comme partout, un tiers-parti, le parti de ceux qui ne se décident ni pour ni contre. Qu’arrive-t-il ? L’affaire devient alors une pure question de sentiment : ceux que touchent par-dessus tout ces choses charmantes, beauté, jeunesse et malheur, absolvent les yeux fermés ; ceux qui s’érigent en féroces Rhadamantes, qui aiment les sentences rendues tout d’une pièce, condamnent sans appel. On a raconté qu’il s’était formé vers la fin du XVIIe siècle, en Angleterre, une société dont le but était de décrier le caractère de Marie Stuart et d’accréditer les récits outrageans pour l’honneur de cette

  1. 3 vol. in-8o, par M. Jules Gauthier, librairie Lacroix et Verboeckhoven.