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sont pris en dehors de l’enseignement, on nous accordera sans doute que leur témoignage est irrécusable. La commission examine cette question : les hautes études sont-elles en progrès ou en décadence ? À l’unanimité, elle déclare qu’elles sont en décadence, et plusieurs de ses membres attribuent cette décadence à l’établissement des jurys mixtes. — L’honorable M. Devaux notamment développe un système qui aurait pour effet de supprimer le contrôle et le concours des professeurs rivaux, qui constituent à ses yeux le vice fondamental du régime actuel. M. Vleminck déclare qu’il a longtemps espéré que le système des jurys mixtes aurait de bons résultats, mais qu’il ne l’espère plus aujourd’hui. En effet, qu’arrive-t-il nécessairement avec l’institution des jurys mixtes ? Chaque université cherche à obtenir le plus d’admissions possibles ; tous les efforts des examinateurs tendent vers cet objet, et les tentations sont d’autant plus grandes qu’il est plus facile d’atteindre le but. L’intérêt, dans bien des cas, est sacrifié au devoir : l’honorable président déclare qu’on lui en a souvent fait l’aveu. Il importe (ce sont ses propres expressions) d’attraper le public, et les journaux ne se font pas faute de venir en aide à ce charlatanisme éhonté. Que de fois l’on a pu entendre des professeurs dire hautement : « Nos élèves savent bien que nous avons tout intérêt à les faire passer, » et quel président de jury n’a reconnu que telle est la tendance générale ? La science et le progrès n’ont qu’à perdre à ces compromis, qui se perpétueront tant que durera l’organisation des jurys combinés, quoi qu’on fasse pour l’améliorer. Il faut en revenir à un jury unique, pareil à celui qui a été adopté pour le concours d’agrégation en France.

On remarquera que deux fois, dans cette enquête sur l’état de l’enseignement supérieur belge, l’exemple de la France a été invoqué. Ainsi c’est au moment où l’on parle d’introduire chez nous le système belge que des voix très autorisées en Belgique vantent les avantages de notre organisation. Pour clore cette série de témoignages, nous voulons encore citer un fragment d’un discours prononcé le 7 février 1860 par l’honorable ministre de l’intérieur, qui a dans ses attributions l’instruction publique. Répondant à une interpellation qui s’était produite pendant la discussion du budget, il s’exprimait ainsi : « Messieurs, on ne peut plus mettre en doute que le niveau des études humanitaires et universitaires ait baissé en Belgique. À moins de supposer que tous les hommes qui prennent part aux examens des élèves se trompent, il faut bien le constater avec eux, le niveau des études a baissé. Les présidons des jurys dans la dernière session ont constaté ces résultats. »

Sans doute les personnes qui demandent chez nous une liberté qui a produit de si désastreux effets chez nos voisins ne connaissent pas