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anciennes lois ? Ils n’y apportent ni cette ardeur, ni ce zèle, ni cet esprit de recherche scientifique qu’il serait si nécessaire d’entretenir ; ils restent indifférens à toutes les matières qui ne se rattachent pas directement à l’examen. De leur côté, les professeurs, dominés par les préoccupations de leur auditoire, se voient contraints de négliger tous les développemens historiques, philosophiques ou littéraires dont ils fécondaient autrefois leur enseignement ; cet enseignement n’est plus qu’une préparation hâtive à des grades qui ont perdu de leur valeur. Le système des jurys mixtes fait donc aux professeurs une situation humiliante, il les met en suspicion devant leurs propres élèves. Quelle autorité veut-on qu’ils conservent encore sur eux ? Que si, de surveillés, les professeurs deviennent surveillans, combien pénible et ingrat est leur rôle ! De quels dégoûts ne sont-ils pas abreuvés ! Qui pourrait dépeindre cette lutte sourde, ces tiraillemens sans fin ? Et quels inconvéniens n’entraîne pas pour la dignité du jury tout entier le spectacle des ruptures qui éclatent et des scissions qui se produisent ?

Deux systèmes d’examen ont régi la Belgique depuis une cinquantaine d’années. De 1817 à 1835, les facultés des universités de l’état étaient seules en possession du droit de conférer les grades. Depuis 1835, la collation des grades appartient à un jury, jury central ou jury combiné. Les résultats des deux systèmes d’examen mis en pratique depuis 1817 sont faciles à apprécier. De 1817 à 1835, les établissemens d’instruction supérieure ont été très florissans ; depuis 1835, la décadence a commencé. Pour l’arrêter, il y a des mesures à prendre ; mais le moyen le plus efficace serait certainement de rendre aux facultés les examens. Si le gouvernement croit devoir donner une satisfaction à l’opinion erronée qui a confondu deux choses distinctes, la liberté de l’enseignement et le jury d’examen, qu’il constitue pour les élèves des universités libres un jury particulier composé en majorité de professeurs des universités -de l’état. L’honneur de la science l’exige : c’est le seul moyen de tirer la Belgique de la décadence intellectuelle où elle s’affaisse.

La faculté de philosophie et lettres de Gand énumère aussi avec une grande netteté les inconvéniens des jurys mixtes : le système actuel, dit cette seconde consultation, plaçant nécessairement en présence une université libre et une université de l’état, introduit dans le jury, qui doit être avant tout impartial, une rivalité fâcheuse à la fois pour la science, pour la dignité des professeurs et les intérêts des élèves. Elle compromet la science en partageant les hommes qui la représentent en deux camps ennemis, qui deviennent souvent deux partis politiques animés de passions qui devraient être étrangères à des juges, et en exposant les professeurs à se laisser