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LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT.


date, on établit im nouveau système, celui des jurys mixtes, qui régit encore l’enseignement supérieur belge. C’est ce système que le parti catholique français envie à la Belgique.

L’article 40 de la loi du 15 juillet 1849 est ainsi conçu : « Le gouvernement procède à la formation des jurys chargés des examens et prend les mesures réglementaires que leur organisation nécessite. Le gouvernement compose chaque jury d’examen de telle sorte que les professeurs de l’enseignement dirigé ou subsidié par l’état et ceux de l’enseignement privé y soient appelés en nombre égal. Le président du jury est choisi en dehors du corps enseignant. » En rapprochant de cet article 40, qui forme la partie la plus importante de la loi organique de l’enseignement supérieur, les dispositions des lois précédentes non abrogées qui établissent la liberté d’enseignement sans garanties et sans conditions d’aucune sorte, on peut se faire une idée très exacte de la façon dont cette liberté est comprise et pratiquée en Belgique. Ce système, éprouvé par une expérience de vingt années, est aujourd’hui condamné. On lui reproche d’avoir abaissé le niveau des études et ruiné l’esprit scientifique en Belgique. Dès 1853, M. Piercot, ministre de l’intérieur, présentait aux chambres sur la situation de l’enseignement supérieur un volumineux rapport dont les conclusions font encore autorité. À ce rapport étaient annexées les consultations qui avaient été demandées aux différentes facultés des universités d’état et aux présidons des jurys d’examen. Rien ne serait plus intéressant que de donner l’analyse complète de ces documens ; mais, comme ils se ressemblent tous et arrivent tous aux mêmes conclusions, nous nous bornerons à résumer les deux qui sont le plus remarquables : la consultation de la faculté de droit, et celle de la faculté de philosophie et lettres de l’université de Gand.

La faculté de droit de l’université de Gand proteste d’abord contre la confusion qui a été établie entre la liberté d’enseignement et la délivrance des grades. Passant ensuite de la question de principe à l’application, elle établit que l’action des professeurs sur les élèves est ruinée par le système des jurys mixtes. Pour que cette action demeure entière, il faut, dit-elle, qu’il soit à la fois maître de son enseignement et des examens ; or, sous l’empire de la loi du 15 juillet 1849, les professeurs des universités de l’état sont dominés et dans leur enseignement et dans les examens par les professeurs des universités libres. Celles-ci en effet « sont fatalement poussées à l’indulgence ; » l’indulgence d’une partie du jury entraîne celle de l’autre partie : de là un abaissement considérable dans le niveau des examens, qui a pour résultat immédiat un affaiblissement dans le niveau des études. Qu’importe dès lors que les élèves suivent les cours avec plus d’assiduité que sous l’empire des