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pour la combattre, fut-on amené à produire le principe nouveau de la liberté d’enseignement ? Ce serait une longue histoire qu’il n’est pas dans notre dessein de raconter ; nous voulions seulement, avant d’entrer dans l’examen même de la question, montrer combien les origines en sont récentes.

Il importe avant tout de s’entendre sur la signification et la portée réelle de ces mots : la liberté de l’enseignement supérieur, car il en est de cette liberté comme de toutes celles qui ont été successivement demandées et obtenues depuis une soixantaine d’années. On est d’accord sur le principe, on diffère sur le mode d’application ; les uns veulent une liberté réglée, les autres ne reculeraient pas devant la liberté absolue. Nous croyons inutile d’exposer longuement îe système de ces derniers. Parmi ceux-ci, les uns, sans tenir compte des traditions, voudraient faire table rase de toutes nos institutions universitaires et supprimer l’enseignement de l’état. Pour eux, le droit d’enseigner est un droit naturel comme la propriété, la liberté individuelle, la liberté de conscience, et le libre exercice de ce droit doit donner naissance à une industrie qui ne saurait pas plus que îes autres industries être soumise à des restrictions. Ce n’est pas un pouvoir public que la loi confère, qui puisse être mesuré et réglé par elle, ni par conséquent assujetti à des conditions préalables d’exercice. À leur avis d’ailleurs, l’état est incompétent en cette matière. Il pouvait être instituteur alors qu’il y avait une religion et une philosophie d’état ; aujourd’hui qu’il n’a plus ni doctrines philosophiques officielles ni dogme privilégié, de quel droit prétendrait-il se substituer à l’autorité paternelle dans une de ses fonctions essentielles ?

Un autre groupe se compose des publicistes qui, sans réclamer comme les précédens la suppression de l’enseignement de l’état, demandent pour des particuliers ou pour des associations le droit de fonder soit des universités, soit de simples facultés ayant une existence propre, complètement indépendantes et libres, et délivrant des grades qui puissent donner accès dans toutes les carrières libérales. Ils veulent substituer la concurrence au monopole, le régime du droit commun au régime du privilége. Ils ne croient pas que l’état empiète sur la liberté des pères de famille en fondant des écoles, pourvu qu’il laisse d’autres écoles s’ouvrir à côté des siennes. Ils lui reconnaissent la faculté de délivrer des grades, mais à la condition que la même faculté soit octroyée aux corporations libres d’enseignement. À la différence des précédens, ils demandent la liberté pour tous, même pour l’état.

Avec un point de départ dissemblable, ces deux systèmes arrivent à une conclusion identique : ils suppriment la garantie du grade exigé [à l’entrée des professions libérales, le premier directement