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LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT.


séances, le sénat votait l’ordre du jour sur cette pétition, qu’un des orateurs du gouvernement avait qualifiée de « pièce fausse. »

Le parti qui demandait la liberté de l’enseignement supérieur avait donc fait une mauvaise campagne, et le gouvernement pouvait repousser une réclamation appuyée sur des imputations injustes contre des personnes respectables et sur des théories qui étaient la négation même des droits de la science[1] ; mais les maladresses d’un parti ne suffisent pas à compromettre une bonne cause. La liberté de l’enseignement supérieur a recruté, depuis l’an dernier, de nombreux adhérens. Aux élections générales de 1869, cent vingt députés environ se sont engagés à réclamer cette liberté, les uns pour se ménager l’appui du parti clérical, les autres pour ne pas laisser au clergé le monopole d’une revendication légitime. Aujourd’hui la liberté de l’enseignement supérieur figure sur les programmes du centre droit et du centre gauche. Le moment paraît donc venu d’aborder cette question et de la traiter avec tout le développement qu’elle comporte. Parmi ceux qui se sont déclarés les partisans de la liberté de l’enseignement supérieur, il en est sans doute qui n’ont pas mesuré toute la portée de l’engagement qu’ils ont pris, et dans le public on a été amené peut-être à ne voir qu’une œuvre de parti dans une revendication à laquelle tous les esprits libéraux devront s’associer, une fois qu’on aura bien déterminé les conditions d’exercice de la liberté qu’on réclame.

La Revue n’a pas attendu jusqu’à ce jour pour se préoccuper des réformes dont est susceptible notre enseignement supérieur[2] ; mais les études qu’elle a publiées ont eu pour principal objet d’indiquer les transformations que paraît nécessiter l’état de torpeur où languissent plusieurs de nos facultés. Dans ce travail, on s’attachera surtout au côté politique de la question, qui avait été jusqu’ici laissé en dehors comme important moins à l’honneur de la science dans notre pays et à sa bonne renommée dans le monde.

I.

Il est de mode aujourd’hui d’attribuer à l’assemblée constituante et à la convention tous les abus de centralisation qui pèsent sur notre société moderne, et dont on cherche avec raison à la décharger.

  1. Le gouvernement n’avait d’ailleurs pas attendu la discussion du sénat pour se préoccuper de la question. Dans sa session ordinaire de 1807, le conseil de l’instruction publique avait été saisi d’un projet de loi sur la liberté de l’enseignement supérieur.
  2. Voyez, dans la Revue du 1er mai 1864, l’Instruction supérieure en France, son histoire et son avenir, par M. E. Renan ; — voyez aussi les Réformes de l’enseignement supérieur, par M. Gaston Boissier, dans la Revue du 15 juin 1868.