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de ses pères, replanter ses vignes, fumer ses champs, et ramener chez lui une jeune femme entourée de quelques sacs d’écus, à défaut des titres et des richesses qu’il avait prétendu rapporter de la ville éternelle.

On le voit, le mystère et la précipitation entraient également dans les vues des deux parties. Le mariage fut conclu et célébré avant que le père putatif en eût entendu le premier mot : il est vrai qu’il était d’usage de ne lui rien dire. Quant à Pompilia, qui avait treize ans, on lui avait dit qu’elle ferait plaisir à sa mère ; c’est tout ce qu’elle savait de cette union et du mariage en général. Le brave don Pietro fut bien un peu étonné; mais dame Violante, bonne femme au fond, avait stipulé cette condition que le père et la mère suivraient la jeune épouse au domicile du gendre. Le moyen de douter qu’une certaine somme de bonheur relatif fût assurée à cette colonie des Comparini, échangeant son paisible séjour de Rome contre la résidence sévère des patriciens Franceschini, et s’y transportant tout entière? Il y avait bien quelque disproportion d’âge entre les nouveaux époux ; cependant une couronne de comte et un palais, même en mauvais état, étaient au seigneur Guido quelques années; la présence des parens, que Pompilia aimait tendrement, effaçait en partie le reste. Malheureusement les alliés du comte Guido avaient compté sans leur hôte. On ne met pas à la porte un beau-père et une belle-mère possesseurs de toute la fortune qu’on espère; mais à force de déboires et d’outrages il est aisé de les mettre en fuite. Au bout de six mois, les vieux Comparini reprirent le chemin de Rome, laissant la pauvre Pompilia dans la gueule du loup auquel ils l’avaient sacrifiée. C’est alors que dame Violante sentit la faute qu’elle avait faite. Pour la réparer, elle imagina de la confesser publiquement, et engagea la lutte avec l’avarice du comte, qui avait jeté le masque. Profitant d’un jubilé pour réveiller ses vieux remords, elle avoua d’abord à son mari la supposition dont elle s’était rendue coupable, et, de concert avec lui, fit sa déclaration par-devant les autorités romaines. Pompilia n’était plus leur enfant et Franceschini perdait tout droit à la succession.

Protester, faire protester, de gré ou de force, la pauvre Pompilia,

Récuser l’injuste stratagème
D’un témoin irrité qui s’accuse lui-même,


Franceschini ne s’en fit faute; il ne comptait pas avoir espéré quarante ans les honneurs, la fortune, au moins l’aisance, pour demeurer plus pauvre que jamais avec une enfant trouvée pour femme. Tant que les Comparini vivraient, la question restait pendante; mais tant que Pompilia ne lui donnerait pas d’enfans, il y aurait