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« J’avais eu plusieurs occasions déjà d’apprécier avec quelle infatigable attention votre majesté suit les destinées du Danemark, et combien sa sympathie est vive pour notre juste cause. Cette fois votre majesté, non contente de sauvegarder le présent, a voulu prémunir à jamais et le Danemark et ses propres états contre le danger qui menace toujours les petits peuples de la part de voisins puissans, si, reconnaissant leurs communs intérêts, ces petits peuples ne se soutiennent mutuellement et de toutes leurs forces unies contre les violences étrangères. Je prie votre majesté d’agréer ma profonde gratitude pour l’honneur qu’elle m’a fait de m’associer à la première connaissance d’une grande idée, féconde pour l’avenir des trois monarchies. Dans les souvenirs de l’histoire, cette initiative couronnera son nom d’une gloire immortelle. »


En présence de telles réponses, le roi Charles XV n’avait plus qu’à saisir ses propres ministres d’une démarche qu’ils avaient jusqu’alors ignorée. M. le baron de Geer et M. le comte de Manderström acceptèrent d’abord la pensée de cette négociation ; mais bientôt M. de Manderström, ministre des affaires étrangères, refusa de s’engager plus avant. En même temps l’on recevait des lettres de Copenhague qui déclinaient l’initiative, la renvoyaient au cabinet de Stockholm, comme au plus puissant, et estimaient qu’il serait dangereux pour le Danemark de faire connaître aux conférences de Londres le projet d’union entre les trois peuples du nord. M. Monrad enfin exprimait certaines vues qui pouvaient s’interpréter Sans un sens tout à fait contraire à l’une des principales conditions énoncées tout d’abord. Dans sa nouvelle lettre au roi de Suède, en date du 13 mai, après avoir émis l’avis que ce serait au cabinet de Stockholm à décider quand devraient s’ouvrir les négociations, il ajoutait :


« L’unité politique du nord doit être une garantie de la possession du Holstein. Tant que nous possédâmes la Norvège, l’élément scandinave se trouvait assez fort et la monarchie danoise assez grande pour que l’élément germanique y fût présent sans danger. La perte de la Norvège a créé chez nous le slesvig-holsteinisme, que l’union du nord pourra seule anéantir. Il en est des états comme des corps célestes : ils exercent une force attractive en rapport avec leur grandeur. Le Danemark a subi des violences à Francfort ; le nord uni ne serait pas exposé à un pareil traitement : l’Allemagne n’est brave qu’envers le faible. Au moyen du Holstein, le nord exercerait une influence sur la politique européenne. Je souhaite donc de tout mon cœur que l’unité dynastique par rapport au Holstein puisse être conservée. Votre majesté ne partagera peut-être pas ces vues… »


Nous savons ce qu’on peut dire pour justifier cette lettre. Il n’y