Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/680

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Prussiens venaient d’entrer en Holstein, le roi Frédéric VII écrivit au roi de Suède pour invoquer son secours. L’agitation était extrême dans tout le nord; à Christiania comme à Stockholm, l’esprit public était très favorable à une intervention active. Oscar Ier partageait au fond les sentimens de son peuple; mais il n’avait pas encore rompu les liens où l’avait d’abord engagé la politique russe pratiquée par Bernadotte, son père, en 1812. Précisément il venait de recevoir un message de Pétersbourg, annonçant que le tsar Nicolas était bien disposé envers le Danemark. Et de fait le tsar redoutait un partage de la monarchie danoise, ayant lui-même un droit héréditaire à une portion du Holstein, droit qui se fût perdu, si les deux duchés avaient formé un état indépendant sous une nouvelle maison princière. Quand on eut appris la bataille de Slesvig, le roi de Suède convoqua son conseil des ministres et le comité secret de la diète, alors assemblée; puis, dans une lettre en date du à mai, il instruisit le roi de Danemark des résolutions qu’on venait de prendre. Le résultat, à vrai dire, était médiocre. Tant que la lutte ne concernait que le duché de Slesvig, le roi de Suède se proposait seulement de négocier, de concert avec les puissances qui voulaient l’intégrité du Danemark; il ne ferait un pas de plus que lorsqu’une au moins de ces cours se déciderait aussi à marcher en avant. Toutefois une attaque sur le Jutland ou sur quelqu’une des îles danoises lui paraîtrait si menaçante pour la commune indépendance du nord, qu’il serait prêt, ce cas échéant, à envoyer un corps d’armée en Fionie pour repousser toute entreprise pareille. Il venait d’ailleurs de donner des ordres pour la réunion de 1,500 hommes soit à Gothenbourg, soit en Scanie, et pour l’armement à Carlscrona de quatre frégates, avec transports et vapeurs nécessaires. Quelques jours après, la diète de Stockholm, puis le storthing norvégien votaient les subsides de guerre, et le 8 juin le corps auxiliaire suédois abordait en Fionie, pendant que les forces de mer croisaient en vue des côtes.

Or les Allemands, sous la conduite du général Wrangel, venaient de franchir la frontière du Jutland et par conséquent d’envahir les parties intégrantes de la monarchie danoise. Quel motif pouvait donc empêcher désormais les Suédo-Norvégiens de se joindre effectivement à l’armée alliée et d’entrer en ligne? La lumière s’est faite aujourd’hui sur ces questions, qui ont jadis fait naître beaucoup de fâcheuses conjectures. L’influence redoutable de la Russie était intervenue. Au moment même où le cabinet suédois venait de publier qu’il y aurait lieu de sa part, en certaines occurrences imminentes, à rompre avec la Prusse, le tsar Nicolas l’avait publiquement félicité de ses « déclarations pacifiques, » et l’on avait compris à Stockholm que c’était un ordre formel de s’arrêter. D’ail-