Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/663

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dres, qui avait essayé d’arrêter la guerre commencée contre le Danemark, la France, bornant trop son rôle sans doute, avait du moins insisté pour que l’on consultât les populations; elle restait dans sa ligne de conduite lorsque, médiatrice après Sadowa, elle faisait accepter, quoique bien tard, une sorte d’hommage au droit réel des nationalités. Que cette réserve insérée dans l’article 5 n’ait été due qu’à la France, il y en a beaucoup de preuves. M. de Bismarck et M. de Beust l’ont dit à la tribune, l’ont affirmé dans leurs dépêches. M. de Bismarck surtout, dans un discours prononcé à la chambre prussienne pendant la discussion de la loi d’annexion des duchés, le 20 décembre 1866, a donné à ce sujet des explications qu’il est bon de recueillir :


« Les événemens de juillet dernier, a-t-il dit, ont mis la France en position de donner à l’expression accentuée de ses vœux un poids exceptionnel. Assurément personne n’eût alors conseillé à la Prusse d’engager en même temps deux grandes guerres européennes, ou bien de compromettre, dans le moment où elle n’avait pas encore recueilli tous les fruits de la guerre qui s’achevait, ses rapports avec d’autres grandes puissances. C’est dans ces circonstances que la France a été invoquée comme médiatrice par l’Autriche, et qu’elle a eu de la sorte le droit de faire entendre sa pensée. Aux conditions qu’elle nous offrait, il fallait répondre immédiatement par une acceptation ou par un refus. Nous étions en mauvaise situation pour bien juger comment nous pourrions faire face aux conséquences d’un refus; nos communications étaient détruites, les télégrammes n’arrivaient qu’en cinq ou six jours des capitales étrangères au quartier-général. Nous avons cru, ainsi placés en présence d’offres qui étaient, comme on dit, à prendre ou à laisser, ne pas devoir jouer le tout pour le tout, au risque de compromettre sur une mauvaise carte tout ce que nous avions gagné. C’est à ces complications que la réserve de l’article 5 doit son origine. Elle est du reste conçue en des termes qui nous laissent quelque latitude pour l’exécution. Nous sommes engagés, il est vrai : ni le vote du comité ni les résolutions de la chambre ne peuvent nous délier de nos promesses; mais du moins la condition qui nous est imposée sera par nous exécutée de telle sorte qu’il n’y ait aucun doute sur l’indépendance et la loyauté du vote, ainsi que sur la volonté populaire dont il devra être l’expression. »


Il y avait dans ces paroles du premier ministre, après quelque mauvaise humeur tout d’abord, l’annonce de bonnes résolutions. C’était beau de se donner ainsi pour protecteur d’un loyal scrutin, pour exécuteur sincère des volontés des peuples. Qu’a fait cependant le cabinet de Berlin, depuis tantôt quatre années, pour mettre en pratique ces généreuses maximes? La réserve de l’article 5 ne