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il n’y a pas identité d’espèce. Ainsi nous voyons à l’état vivant des fougères, d.is lycopodes, des conifères, qui rappellent de loin la forme des arbres dont la houille est composée ; mais on peut affirmer que pas un de ces végétaux ne s’est perpétué jusqu’à nous. Les analogues sont encore vivans, les espèces elles-mêmes ont disparu. Nous connaissons au contraire des végétaux identiques à ceux qui vivaient pendant la période tertiaire, et d’autres, plus nombreux encore, en diffèrent si peu qu’il est permis de les considérer comme les descendans légitimes de leurs ancêtres paléontologiques.

Les tufs ou travertins comptent parmi les formations géologiques les plus récentes. Ce sont des dépôts de calcaire concrétionné, formés par des sources, des rivières ou des ruisseaux dont les eaux étaient chargées de sels calcaires et principalement de carbonate de chaux. Quelques-uns de ces travertins continuent de s’accroître sous nos yeux ; tels sont les tufs des cascatelles de Tivoli, ceux du Silano, près de Postum, du Velino à Terni, et ceux qui forment la magnifique chute de la Kerka, rivière de Dalmatie qui se jette dans l’Adriatique, non loin de Sebenico. Souvent ces amas se trouvent sur le trajet de rivières ou de ruisseaux dont le débit a considérablement diminué, mais dont les tufs nous indiquent les anciens rivages. D’autres enfin sont l’œuvre de cours d’eau complètement anéantis, tels que ceux de Sézanne, de Meximieux et d’autres localités. MM. de Saporta et Gustave Planchon ont étudié ces dépôts sur les bords de l’Huveaume et des Aygalades, près de Marseille, des Arcs, non loin de Draguignan, et du Lez, en amont de Montpellier. Ces dépôts font partie du terrain quaternaire et correspondent probablement à plusieurs époques de cette période géologique ; mais quelques-uns renferment des ossemens de grands animaux fossiles appartenant aux genres des bisons, des éléphans, des rhinocéros et du grand cerf de l’Irlande[1], ce qui prouve que ces dépôts sont bien antérieurs à l’époque actuelle, quoique postérieurs presque tous à la première époque glaciaire. Les feuilles et les fruits tombés dans ces eaux incrustantes se sont recouverts de couches successives de carbonate de chaux qui en ont moulé les nervures les plus délicates et accusé les moindres aspérités. La feuille et le fruit ont disparu, le moule calcaire est resté. C’est ainsi que de nos jours les eaux de la fontaine de Saint-Allyre, près de Clermont, moulent avec une netteté parfaite les piècas de monnaie, les médailles, les nids d’oiseau, les feuilles et les fruits de châtaignier que l’on offre à la curiosité des voyageurs. Ces empreintes se sont conservées dans les

  1. Elephas primigenius et antiquus, Rhinoceros tichorhinus et leptorhinus, Biso europœus, Megaceros hybernicus.