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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


qui forma un second noyau de prosélytisme pour les races barbares. C’est dans ce couvent, ainsi qu’on l’a vu précédemment, que l’ancien diacre de Chrysostome, devenu évêque d’Héraclée, Sérapion, s’était caché, aux premiers temps de la persécution, pour échapper aux ennemis de son ancien maître, et les moines Marses, par ce fait, se plurent à proclamer leur attachement à l’archevêque exilé et à sa cause.

Outre ces deux centres de catholicisme existant parmi les Goths sur les terres de l’empire, il s’en trouvait un beaucoup plus considérable au dehors, chez ceux de la presqu’île cimmérienne. Comment s’était-il formé, et était-ce un reste des affiliations primitives de cette race ? Nous l’ignorons ; mais nous le voyons, au ive siècle, rattaché à Chrysostome par des liens intimes. C’est Chrysostome qui donne à cette église des Goths un évêque nommé Unilas, qu’il qualifie lui-même d’homme admirable. Les relations de ce clergé barbare avec l’archevêque de Constantinople avaient lieu par l’intermédiaire des moines Marses, qui correspondaient régulièrement avec lui. Or, au plus fort des divisions religieuses de l’Orient et lorsque l’archevêque allait partir pour l’exil, Unilas mourut, laissant l’église des Goths dans un complet désarroi. Le roi de ce petit peuple n’ayant rien trouvé de mieux à faire que de demander un autre évêque à Constantinople, le diacre goth Modowar était parti pour le couvent des Marses, porteur de la lettre royale, et s’y arrêta d’abord pour conférer avec ses coreligionnaires barbares. Il apprit là ce qui s’était passé à Constantinople, la déposition de Chrysostome et son exil ; il l’apprit de bouches amies et de cœurs en communion avec l’exilé. L’embarras de Modowar fut grand. La lettre du roi, autant qu’on peut le croire, était adressée à l’archevêque ; irait-il la porter au successeur intrus ? C’était un objet de justes scrupules, et Modowar hésitait. Cependant il fallait qu’il ramenât un évêque aux Goths cimmériens, et le temps pressait à cause des difficultés de la navigation sur la Mer-Noire aux approches de l’hiver. Profitant des hésitations du diacre, les moines Marses informèrent de tout Chrysostome par une lettre qu’il reçut à Cucuse.

Son émotion fut grande à cette nouvelle, car il aimait l’église des Goths cimmériens comme sa fille. Il se hâta d’écrire à Olympias une lettre que nous avons encore. Il y recommande à sa chère diaconesse d’employer tout ce qu’elle avait de crédit et d’habileté pour faire différer la nomination de l’évêque goth, si Modowar était à Constantinople. « Rien ne presse, lui disait-il, puisque la saison est assez avancée pour rendre dangereux le voyage par mer ; on peut attendre jusqu’au printemps. » Ce qui valait encore mieux que ce parti, c’était de lui envoyer Modowar, mais secrètement et sans bruit, afin de ne point donner l’éveil aux schismatiques, et tous les