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croyez-vous qui soit plus agréable à Dieu, ou celui qui parle en faveur de Jean après toutes les choses dont Jean est coupable, ou celui qui a été d’avis de le punir quand il ne mettait nulle conscience à troubler et affliger tout le monde ? Faites donc cesser ce qui nous divise, remettez votre épée dans le fourreau et commandez qu’on ôte le nom de Jean de la liste des évêques ; car, si peu d’estime que l’on semble faire de ce titre d’évêque, n’ayons pas du moins le regret de placer un traître dans la compagnie des apôtres. Si l’on y écrivait le nom de Judas, que deviendrait saint Mathias, et où serait sa place dans le catalogue apostolique ? Et qui donc voudrait effacer le nom de saint Mathias pour écrire le nom de Judas ? N’agissez pas autrement, je vous en conjure, envers l’illustre Arsace ; conservez-lui le rang de dignité qui lui convient, récitez son nom immédiatement après celui de Nectaire, dont la mémoire est si célèbre dans tout le monde, et, quelque chose que vous consentiez à faire par contrainte, ne flétrissez pas du moins le souvenir du bienheureux Arsace.

Vous me direz peut-être qu’en vous conduisant ainsi vous plairez à quelques-uns. Permettez-moi de vous parler avec liberté. Je souhaiterais de grand cœur que tous les hommes fussent sauvés ; mais si quelqu’un se sépare par l’opiniâtreté de son esprit indocile, et s’il s’oppose aux lois de l’église, quelle perte y aurait-il quand cet homme périrait ? Notre devoir est de dire, avec saint Paul, à ceux qui se révoltent contre nous : « Nous vous conjurons par Jésus-Christ de vous réconcilier avec Dieu ; » puis, quand nous les trouvons persistans dans leur désobéissance, nous les remettons aux mains du suprême juge. « Nous avons pris soin de la guérison de Babylone, s’écriait Jérémie, mais elle n’a point voulu se guérir ; abandonnons-la donc, puisque son jugement est monté jusqu’au ciel. »

Le bienheureux Alexandre, qui était un homme extraordinairement hardi en paroles et avait surpris quelques-uns de nos très religieux frères les évêques d’Orient par l’adresse de ses discours, est venu porter cette maladie dans votre troupeau ; gardez qu’elle ne se propage, qu’elle ne consume, qu’elle ne corrompe toutes les âmes ; vous êtes obligé plutôt d’en purger l’église et de l’enlever comme une taie qui couvre les yeux et dérobe la vraie lumière. J’apprends même que le pieux évêque de Bérée, Acacius, dont la vieillesse est si heureuse, proteste, que l’évêque actuel d’Antioche proteste aussi qu’ils n’ont récité le nom de Jean dans les divins mystères que contraints par la violence, et qu’ils n’attendent que notre résistance pour se tirer de ce piége. Je vous parle ici librement et dans l’amertume de mon cœur. Appelés à guérir les plaies des autres, ce n’est pas à nous de les envenimer par de nouvelles blessures…

Non, ne souffrez point que Jéchonias, après avoir été retranché