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REVUE. — CHRONIQUE.

crois plus. » M. Pasquier répondait qu’il ne fallait pas être si tranchant, qu’en France on ne devait jamais désespérer de rien, que « si les fautes les plus graves se commettaient sous ce régime avec une déplorable facilité, de puissantes ressources abondaient aussi pour lui permettre de se relever. » M. Pasquier avait alors plus de quatre-vingts ans, il n’était pas dans un moment favorable pour le régime constitutionnel, et il ne désespérait pas de la raison de la France. C’est cette raison, en effet, qui est toujours appelée à triompher de tous les excès.

ch. de mazade.

REVUE MUSICALE.

Au Théâtre-Italien, avec les représentations régulières, très variées et parfois remarquables au plus haut point, comme lorsqu’il s’agit du Fidelio de Beethoven, alternent maintenant des intermèdes et des concerts. Tout n’est pas excellent dans ces manifestations, et l’on conçoit qu’un orchestre et des chœurs habitués aux commodes ritournelles du rossinisme éprouvent quelque difficulté à débrouiller une œuvre telle que le Dieu et la Péri de Schumann. Il n’en est pas moins vrai que ces efforts doivent être encouragés, comme on encourage les concerts populaires et tout ce qui répond à ce besoin particulier de connaître que nous avons aujourd’hui. L’admiration n’est plus notre fait, et de l’enthousiasme, nous nous en moquons ; mais nous voulons voir, entendre par nous-mêmes, savoir ce qu’ont produit de merveilleux tels prétendus grands artistes. Qu’est-ce, par exemple, que ce Schumann dont le nom revient si souvent à nos oreilles ? Eh bien ! tenez-vous-le pour dit, si toutefois l’ouverture de Manfred et certains fragmens du dieu et la Péri ne vous l’ont pas appris déjà, ce Robert Schumann, c’est quelqu’un, et nous reviendrons un jour ou l’autre sur cette physionomie à la Jean-Paul ; en attendant, disons un mot de cet admirable Fidelio.

Les œuvres de Beethoven sont le meilleur commentaire qui existe de sa vie. Toutes portent l’empreinte de son grand cœur si bon, si tendre, si profondément compatissant. Il est le premier qui, dans une sonate, dans un quatuor, dans un lied, ait fait tenir l’immensité. Les maîtres du passé, les Haendel, les Bach, pour la religiosité de leurs sentimens, ont une forme spéciale ; son inspiration à lui ne connaît pas ces distinctions de genre, elle se donne et se verse à torrens. Les Italiens disaient de Rubens qu’il mêlait du sang à ses couleurs. Beethoven écrit ses poèmes avec son propre sang. Tout sujet lui devient un. fil d’Ariane pour le conduire au sanctuaire de l’âme humaine. Une cantate (Adélaïde) prend