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très louable assurément chez une grande dame qui avait eu besoin, pour la pratiquer, de lutter non-seulement contre l’entraînement général, mais aussi contre les exemples de sa famille, tandis que cette même passion de la parure, unie à la coquetterie (qu’on me permette d’employer ce mot), avait envahi dans Constantinople les pauvres comme les riches et jusqu’aux vierges attachées au sanctuaire.

Les esprits superficiels, nous dit le moraliste dans un langage digne de lui, peuvent reléguer la modestie des femmes au dernier rang de leur mérite ; moi je le place au premier. À considérer sérieusement les choses, on se convainc que cette vertu exige de celles qui la connaissent non moins d’élévation d’âme que de sagesse de conduite. Le Nouveau-Testament n’a pas été seul à la prescrire lorsque l’apôtre Paul défend aux femmes même mariées les ornemens d’argent, ainsi que les étoffes précieuses. L’Ancien-Testament ne tient pas un autre langage, quoiqu’on n’y rencontre rien de semblable à cette divine philosophie qui nous régit maintenant, et que Dieu n’y conduise les hommes qu’à travers des ombres et des figures par le règlement de la société extérieure. Écoutez en effet avec quelle force le prophète Isaïe gourmande le luxe des femmes dans la société israélite. « Voix du Seigneur contre les filles de Sion ! s’écrie-t-il, emporté par une sainte colère. Parce qu’elles se sont élevées avec orgueil, qu’elles ont marché la tête haute avec des regards pleins d’affectation en faisant mouvoir les plis de leurs robes, en cadençant leurs pas, le Seigneur rabaissera les filles de Sion. — La poussière remplacera tes parfums, une corde te sera donnée pour ceinture, la superbe parure de ta tête tombera, et tu seras chauve à cause de tes œuvres ! »

Parcourant la série des ravages que cette maladie de l’âme exerce sur toutes les classes de la société byzantine, Chrysostome arrive aux religieuses, qui, sous l’étoffe grossière de leurs vêtemens, rivalisent de coquetterie avec les femmes du monde couvertes d’or et de soie. « Voyez, dit-il, cette vierge dont les vêtemens respirent la mollesse et dont la tunique est lâche et traînante : par sa démarche, le son de sa voix, le mouvement de ses yeux, comme par ses ajustemens, elle présente un poison délétère en appelant les regards, en provoquant les passions, et creuse de la sorte des abîmes sous les pieds des passans ! Peut-on bien lui donner le nom de vierge, et ne seriez-vous pas plutôt tenté de la ranger au nombre des courtisanes ? Celles-ci mêmes ne sont pas aussi dangereuses que celle-là… »

L’humilité dans les grandes actions était surtout la vertu d’Olympias, là du moins elle n’avait point de rivale. Les récits précédens nous ont fait voir avec quelle magnanimité d’âme, quelle inébran-