Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/519

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1870.

Oui, certes, ce qui se passe depuis quelque temps est d’un intérêt profond pour la France, pour l’Europe elle-même, qui suit d’un regard surpris et attentif la marche de nos affaires. C’est une expérience qui, si elle est conduite à une heureuse fin, sera une révolution bien autrement sérieuse, bien autrement décisive que celles qui l’ont précédée, puisqu’elle est une victoire de la force morale de l’opinion sur la force matérielle des insurrections ou des réactions, mais qui n’ira point jusqu’au bout sans rencontrer bien des écueils. Nous entrons visiblement dans une période d’émotions publiques et de luttes où les incidens naissent tout seuls lorsqu’on y pense le moins, où il faut à chaque heure développer, affermir, défendre une œuvre politique livrée à toutes les contestations. Ce n’est plus dans tous les cas le moment de regarder en arrière ; l’action est engagée, et l’imprévu lui-même, un tragique imprévu, n’a pas tardé à s’en mêler sous la forme d’un de ces lamentables incidens qui échappent à tous les calculs. La passe est franchie, nous sommes en pleine mer ; il s’agit de s’arranger maintenant pour que le navire se comporte en bon voilier sous le vent et de façon à tenir tête à l’orage, ou, pour parler sans figure, il faut bien se dire que la liberté a ses conditions laborieuses, quelquefois périlleuses, d’autant plus difficiles qu’on n’est pas maître de tout ce qui arrive.

L’imprévu aura sans doute toujours sa part dans nos affaires ; l’essentiel est de le réduire d’avance à n’être qu’un accident, de le dominer par l’ascendant d’une politique bien inspirée, par la force d’une situation simple et nette. Cette situation, elle est tout entière aujourd’hui dans l’inauguration définitive d’un régime nouveau et dans l’avènement d’un ministère venu au monde avec l’année qui commence. On ne peut dire qu’une chose, c’est que ces modifications ont fort heureusement