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La réponse n’est pas difficile. L’inventeur était constamment occupé à préparer lui-même ses conserves, afin de les livrer aux marchands et aux consommateurs ; durant de longues années, ce fut sa seule ressource. Le temps et l’argent lui manquaient pour toute autre entreprise dont il aurait fallu attendre le bénéfice. Il dut ainsi se borner à faire des vœux pour la réalisation des avantages qui devaient résulter de l’application de ses procédés à la conservation des vins. S’il avait disposé de cette autorité que donne une haute position sociale, peut-être eût-il déterminé des spéculateurs à entreprendre à leurs risques et périls des essais sur une grande échelle. Sous ce rapport il ne reste plus rien à désirer aujourd’hui, car le procédé primitif, amélioré et perfectionné, a reçu dans ces derniers temps la double sanction d’une séduisante théorie et de la pratique en grand. C’est aux belles et persévérantes recherches de M. Pasteur que la science et l’industrie viticole sont redevables des données les plus précises sur la cause qui produit les altérations des vins et sur les moyens de prévenir ou d’arrêter ces altérations. Chaque maladie particulière des vins correspond au développement d’un ferment vivant de nature végétale ou d’un mycoderme, et c’est en détruisant les germes de ces êtres microscopiques par l’action de la chaleur que l’on arrête la maladie au début.

Quand le vin devient aigre, acide, piqué, c’est qu’il est envahi par la fleur de vinaigre, mycoderma aceti, dont la fonction consiste à transformer l’alcool en acide acétique par une sorte de combustion incomplète. C’est d’ailleurs ce qu’avait deviné depuis longtemps le peuple en donnant le nom de mère du vinaigre aux membranes gluantes que l’on trouve dans les vases ayant enfermé ce liquide et qui sont entièrement formées par le mycoderme en question. M. Pasteur a même basé sur cette observation un procédé rapide de fabrication du vinaigre. Un autre mycoderme analogue, la fleur du vin, n’occasionne aucune fermentation nuisible et semble plutôt favoriser les réactions normales auxquelles est dû ce qu’on appelle le bouquet des vins. La maladie des vins tournés ou montés a pour cause un ferment qui se présente sous l’apparence de filamens d’une extrême ténuité. Ces filamens forment des chapelets d’articles analogues à la tige du blé et donnent lieu à ces ondes soyeuses que l’on remarque lorsqu’on agite le vin. Le mycoderme dont il s’agit ici a une grande analogie avec celui qui produit l’acide lactique. Les vins filans, gras, huileux sont altérés par un ferment qui affecte la forme de globules réunis en chapelets enchevêtrés. L’amer ou le goût de vieux, maladie qui s’attaque surtout aux vins fins, a également pour origine un ferment spécial, qui rappelle celui des vins tournés, mais qui offre des articles plus gros et plus rapprochés ; sous le