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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


fiez-vous à sa bonté infinie, et ne le jugez pas, voilà le fond de ses préceptes, qu’il applique avec de magnifiques développemens à la nature, à la société humaine, à l’histoire même de la foi. Olympias, il nous l’apprend, et nous le voyons d’ailleurs par ses réponses aux lettres de la pieuse diaconesse, Olympias était douée d’un esprit sagace, nourri de la lecture, des livres saints et de ce qu’on appelait alors la divine philosophie, mais assez tenace et porté vers la controverse ; Chrysostome avait donc affaire à un disciple peu facile à convaincre, à un malade qui discutait ses remèdes : aussi revient-il à plusieurs reprises sur les mêmes choses, et insiste-t-il avec une vivacité passionnée sur les plus importantes, ce qui nous a valu de lui plus d’un morceau d’éloquence comparable aux plus belles choses de l’antiquité.

L’église sans doute est tourmentée, ses chefs sont proscrits ; des loups rapaces ont envahi la bergerie et dispersé le troupeau ; les puissances du siècle se sont élevées contre le sanctuaire et y ont installé l’usurpation et le schisme : qu’importe ? s’écrie-t-il ; ne s’est-il passé jamais rien de pareil dans le monde ? Comme si l’église du Christ n’avait pas grandi au milieu des désordres, et que le Christ lui-même, depuis son berceau jusqu’à sa mort, n’eût pas été entouré de scandales ? S’il en est ainsi, pourquoi nous plaindre, et que sommes-nous avec nos souffrances misérables, quand le fils de Dieu et ses apôtres ne nous ont apporté la vérité qu’au milieu des persécutions et des tourmentes ?

Qu’est-ce d’ailleurs que la persécution, et que sont les maux de ce monde ? « Croyez-le bien, ma chère, et vénérée dame, il n’y a de mal que le péché, il n’y a de bien que la vertu ; tout le reste, bonheur ou malheur, quelque nom qu’on lui donne, n’est que fumée, fantômes et illusion. » En d’autres termes, le mal est en nous, c’est nous qui le faisons ; nous le créons par notre propre déchéance ; quant au dehors, il ne peut rien sur nous, lorsque nous restons fermes en notre confiance dans la sagesse et la bonté infinies d’en haut.

Examinons votre pensée, quand elle se laisse troubler par les désordres qui nous agitent. Vos amis en souffrent, vous en souffrez vous-même, et vous pleurez sur tant de calamités dont vous n’apercevez ni le but ni la fin probable. De sombres et noires idées vous assiégent, un nuage de chagrin vous enveloppe ; vous tombez dans le découragement, parce que vous ne comprenez rien à tout ce qui se passe. Ah ! je ne veux pas vous déguiser le mal qui vous effraie, je ne veux ni le nier ni l’amoindrir ; je veux au contraire, que vous l’envisagiez tel qu’il est, c’est-à-dire plus affreux, plus profond, qu’il ne vous apparaît encore. Oui, « nous voguons au