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Ce mal affreux, qui tuait l’âme et le corps à la fois, et qu’à cause de cela les pères de l’église déclaraient un piége du démon pour prendre plus aisément possession de nous-mêmes, ce mal n’avait pas échappé à l’œil pénétrant de Chrysostome ; il en avait observé les premiers symptômes dans la correspondance d’Olympias, puis il les avait vus grandir, avait essayé de les combattre, et son peu de succès lui faisait voir combien le danger était pressant. « Ô ma sœur, s’écrie-t-il dans une de ses lettres, vous voulez mourir, je le vois bien ! » Elle mourait en effet ; mais il résolut, au milieu des misères et des préoccupations de l’exil, d’arracher cette fille de son cœur à l’abîme où une pente fatale l’entraînait.

En habile médecin, il remonte à la source du mal pour étudier les moyens de le combattre. Il vit que la tristesse d’Olympias découlait de deux sources : le désordre de l’église, qui s’aggravait de jour en jour, et leur mutuelle séparation. À chacune de ces causes il appliqua un remède différent : à la première, le raisonnement et les textes des livres saints, à la seconde les argumens de la plus touchante affection et l’espérance d’une réunion prochaine. Nous examinerons successivement ces deux parties de sa consolation en les réunissant sous deux titres, quoiqu’il ne les traite pas méthodiquement, et qu’elles soient entremêlées dans ses lettres. Tout en essayant de présenter dans une courte analyse la marche de l’argumentation, je m’attacherai à reproduire autant que possible les paroles mêmes de l’auteur.


I. — Il aborde donc en premier lieu la grande question des maux de l’église dont le spectacle avait porté au cœur d’Olympias une si profonde blessure, et il attaque alors avec force cette disposition des âmes tendres à se scandaliser. On sait que les chrétiens désignaient par ce mot l’état d’une âme qui, troublée dans sa confiance en Dieu par des incidens extérieurs qu’elle ne comprend pas, met son jugement faillible au-dessus de sa foi, et se laisse ainsi détourner de la vraie voie. Ce danger, un des plus grands pour le chrétien, il le combat avec persévérance dans ses lettres à Olympias ; il composa même dans sa prison un traité particulier, destiné à prémunir contre ces tentations d’une fausse raison, soit sa douce et pieuse amie, soit les autres fidèles qui se scandalisaient comme elle au sujet des événemens d’alors. Cette facilité à critiquer en quelque sorte les œuvres de Dieu, à placer son impression irréfléchie ou son jugement en regard des insondables desseins de celui qui a créé le monde et le fait vivre, Chrysostome la considère comme une maladie mortelle du cœur et un piége du démon, car il ne voit là qu’une révolte et une folie de l’orgueil humain. Croyez-en la sagesse de Dieu, con-