Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

meurt en six mois : si arrichisce in un anno, si muore in sei mesi.

D’où vient cette dévastation, qui fait contraste avec toutes les qualités du climat et du sol ? Dans l’antiquité, les maremmes étaient peut-être le pays le plus florissant de l’Italie. On y rencontre les ruines imposantes des plus célèbres cités étrusques ; l’agriculture y était prospère, les fouilles faites pour le chemin de fer de Livourne à Civita-Vecchia ont mis à nu tout un système de canaux souterrains, drainage des plus parfaits, qui indique chez les anciens habitans du pays un art agricole très avancé et une culture très soignée ; les mines étaient exploitées de toutes parts. Au commencement du siècle au contraire, et jusqu’à des travaux récens, cette terre semblait maudite et sur le point d’être à jamais abandonnée par l’homme. La décadence a commencé dans les dernières années de l’empire romain. Les latifundia, la culture au moyen de grands troupeaux d’esclaves, ont chassé les petits propriétaires et dépeuplé le pays, toute cette œuvre de drainage a été négligée, puis les invasions des barbares sont venues désoler ces plaines. Ainsi, au commencement de l’ère chrétienne, la prospérité des maremmes était déjà fort affaiblie. Le moyen âge lui porta le dernier coup. Les guerres intestines qui affligèrent la Toscane, le passage incessant de condottieri, la grande peste noire surtout, rendirent au XIVe siècle cette contrée presque déserte. Les détritus charriés du haut des montagnes, les dunes que la mer formait à l’embouchure des fleuves, produisirent l’encombrement des cours d’eau : ceux-ci se répandirent sur la campagne, et le pays tout entier devint un vaste marécage. Ces contrées méridionales, si riches quand la main de l’homme sait surveiller, diriger et contenir les forces naturelles, sont les plus promptes, quand on les néglige, à se transformer en solitudes inhabitables. Le déboisement des montagnes aussi avait contribué à ce lamentable résultat. Les cimes et les versans, dépourvus de forêts, avaient moins de consistance ; les cours d’eau entraînaient sans cesse un limon fétide, formé de matière terreuse ou végétale, qui empestait la contrée. Ce n’est pas seulement dans les plaines de la Toscane que ces désordres se produisent, c’est partout où l’homme n’a pas su aménager les eaux. M. de Lavergne remarque que les Alpes tombent peu à peu dans la mer, et ont fini par fermer des ports autrefois florissans et par constituer dans notre pays cette solitude de la Camargue que l’on peut appeler la maremme française. Le mélange des eaux stagnantes avec les eaux de mer est encore une autre cause d’insalubrité. Il s’en dégage des miasmes léthifères, par la décomposition, a-t-on pensé, d’animaux ou de végétaux microscopiques vivant dans les marais, et qui sont tués par le contact de l’eau salée.

Dès le XVIe siècle commencèrent les tentatives pour dessécher ces