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les condamnés. La création et le gouvernement des églises s’unissaient pour lui aux études théologiques, à l’examen de toutes les controverses du temps, à la composition des écrits qu’elles réclamaient. Il ne lui a manqué aucune des conditions du succès de son héroïque entreprise. On dit que Whitefield était plus éloquent ; son langage avait plus de flamme. Wesley, en parlant, était plus nerveux, plus solide, moins entraînant, mais plus persuasif. Il raisonnait avec plus de force, pénétrait directement dans l’âme de l’auditeur et s’en emparait d’aine manière plus durable. Ses écrits ne sont pas du premier ordre, on pourrait souhaiter plus de profondeur ou plus d’éclat ; mais dans un bon style, il dit des choses touchantes et convaincantes, il exprime des idées simples avec netteté, souvent sous une forme heureuse, avec un rare mélange de raison et de sentiment. Il est calme, et cependant l’amour de Dieu et des hommes anime tout ce qu’il écrit. Philosophiquement considéré, son esprit est fait pour les opinions moyennes, pour les partis modérés, pour le bon sens ; mais il est en même temps touché jusqu’au fond de l’âme du côté divin de toutes choses, il s’y attache, il en fait sa pensée unique, il y consacre avec passion toutes les forces de la sagesse et de la vertu. On lui a reproché assez justement de la crédulité, du goût pour le merveilleux, un certain penchant à effrayer les imaginations, à produire des émotions violentes et jusqu’à des ébranlemens physiques. Ce n’était assurément pas un disciple de Locke et de Shaftesbury ; mais ce tour d’esprit ou d’imagination peut avoir contribué à l’empire invraisemblable, s’il n’était authentique, que sa parole obtint sur le monde de son temps. Un moins crédule aurait peut-être moins persuadé. C’était apparemment une idée neuve et hardie que celle de provoquer un mouvement religieux par la voie populaire en plein XVIIIe siècle, que d’entreprendre la sanctification des contemporains de Chesterfield et de Bolingbroke. Wesley y a réussi, et je comprends l’écrivain qui l’a appelé le premier des théologiens hommes d’état, et j’écoute Macaulay lorsqu’il me dit : « Son éloquence et sa logique pénétrante auraient pu faire de lui un littérateur éminent ; mais son génie pour le gouvernement n’était pas inférieur à celui de Richelieu. » Mais je ne puis plus comprendre son excellent biographe, lorsqu’il s’attache avec tant de chaleur à le justifier du reproche d’ambition, comme s’il était possible, comme s’il s’était jamais vu qu’un homme exerçât un grand pouvoir, sans éprouver la passion du pouvoir, ce qui est apparemment l’ambition. Comment supposer la haine de la domination dans un caractère dominateur ? Et qui donc a le plus aimé le pouvoir ? est-ce Alexandre ou saint Paul ? est-ce Luther ou Cromwell ? est-ce Charles-Quint ou Loyola ?

L’événement a justifié l’œuvre et couronné l’ouvrier. Wesley, en