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depuis son retour d’Amérique. Ses amis ont gardé le souvenir des moindres incidens, des moindres paroles de ses derniers jours. Tout dans ces touchans détails respire le calme du bon ouvrier satisfait de son œuvre, la sécurité pieuse du chrétien sûr des promesses de Jésus-Christ. Rien de ces efforts douloureux, de ces anxiétés navrantes du pécheur qui épuise ses forces mourantes à chercher une expiation tardive dans les actes extérieurs d’un repentir mêlé d’effroi. À ses amis, qui prient avec lui, il n’adresse que cette parole : « Je ne puis vous rien dire aujourd’hui que ce que je disais à Bristol : je suis le plus grand des pécheurs, mais Jésus mourut pour moi. » Il répétait souvent à demi-voix : « Dieu est avec nous. » Une fois, il ne pouvait achever cette phrase : « la nature est… — bientôt épuisée, continua une personne présente en achevant sa pensée, mais vous allez revêtir une nouvelle nature et entrer dans la société des esprits bienheureux. — Certainement ! » s’écria-t-il.

Il entendit encore des prières, des psaumes, des cantiques ; il prononça de loin en loin des paroles de confiance, celle-ci entre autres : « ce qui vaut le mieux, c’est que Dieu est avec nous, » parole qui a été gravée comme devise sur le sceau de la société des missions wesleyennes. Le matin du mercredi 2 mars 1791, il expira, entouré des siens, en disant ce seul mot : adieu. « Tous tombèrent à genoux et, dit un des assistans, la chambre parut remplie de la présence divine. »

Quoi qu’on pense de la forme donnée par notre esprit aux mystères de l’invisible, il n’est point de meilleur spectacle pour l’âme que de voir à quel point la nature humaine peut être transformée par une pure idée et une volonté forte dans une conscience saine. John Wesley est assurément un des plus parfaits modèles de la sainteté dans la vie active, c’est-à-dire de la sainteté véritable, de l’idéal religieux de l’humanité ; mais il nous sied mieux de considérer en lui l’homme de la nature que l’homme de la grâce, et de lui reconnaître un ensemble des grandes qualités dont il faudrait presque, pour trouver l’analogue, remonter aux temps apostoliques. Luther, avec plus de génie, plus d’imagination, plus d’audace, plus de ces dons qui enlèvent les hommes, est moins pur, moins simple, moins dévoué, disons tout, moins irréprochable. Le modèle immortel des Luther et des Wesley, Saul de Tarse, supérieur à tous, s’élève plus haut parmi les grands hommes ; mais qui sait si son énergie et sa véhémence toutes-puissantes n’auraient pas à envier quelque chose de la douceur et de la patience de ses humbles imitateurs ?

La vie de Wesley semble un prodige au milieu du dernier siècle. Elle se composait à la fois de tous les travaux du missionnaire et de tous ceux du pasteur ; il lui fallait évangéliser en plein champ et visiter les âmes en peine, les prisonniers, les malades, les mourans,